Terrorisme:le «belgium bashing» agace Bruxelles

Outre-Quiévrain, on s’est étranglé lorsque François Hollande a pointé du doigt la responsabilité de la Belgique dans les attentats sanglants de Paris : « les actes de guerre de vendredi ont été décidés, planifiés en Syrie ; ils ont été organisés en Belgique, perpétrés sur notre sol avec des complicités françaises ».

Instantanément, le petit Royaume est devenu le « Belgikistan », pour reprendre l’expression de Hugues Moutouh, ancien conseiller de Claude Guéant au ministère de l’Intérieur, jeudi matin sur Europe 1. Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE (services de renseignement extérieurs) a, lui, affirmé que « la Belgique n’était pas à niveau ». Le polémiste Éric Zemmour a même voulu faire de l’humour sur RTL en lançant : « au lieu de bombarder Raqa, la France devrait plutôt bombarder Molenbeek (à Bruxelles) d’où sont venus les commandos du vendredi 13 ». On a fait plus subtil. « Ça va beaucoup trop loin et on le prend très mal », confie un parlementaire belge qui préfère rester anonyme : « le Belgium bashing n’est pas seulement le fait de quelques observateurs mal informés, mais du plus haut niveau politique français ce qui est préoccupant. C’est contreproductif pour l’avenir ».

« On est dans l’irrationnel », estime-t-on au sein du gouvernement belge : « on cherche à détourner l’attention des défaillances françaises en désignant un pays ami. C’est un procédé connu. Ça n’est jamais la faute de la France. Déjà au moment de l’affaire Dutroux, la Belgique est devenue le pays des pédophiles jusqu’à l’arrestation de Fourniret. Là, on n’a plus entendu les Français ». Au petit jeu du « blame game », les Belges ont de la ressource : « A priori il n’y a que trois individus qui venaient de Belgique, ça signifie qu’il y a tout de même cinq Français » a ainsi rappelé Guy Rapaille, le président du Comité R, l’organe indépendant chargé de contrôler les services de renseignements belges. Didier Reynders, le ministre des affaires étrangères belge, a souligné, lui, que, comme par hasard, « de nombreuses perquisitions ont été réalisées en France ces dernières heures », sous-entendant un sérieux retard à l’allumage. « Les Français n’auraient-ils pas dû nous prévenir que ces gens étaient dangereux ? », grince-t-on à Bruxelles. Et de rappeler que la police française a contrôlé, à la frontière belge, Salah Abdeslam, un Français résidant à Bruxelles (Molenbeek) et activement recherché, mais sans l’arrêter…

Ce n’est d’ailleurs pas le premier raté hexagonal: le Français Mehdi Nemouche, le tueur du musée juif de Bruxelles (24 mai 2014), est rentré de Syrie via la France sans être interpellé ni signalé aux autres pays européens, comme le rappelle Joëlle Milquet, ministre de l’Intérieur (CDH, centriste) entre 2011 et 2014 : « or, je n’ai jamais accusé la France d’être responsable de cette tuerie ». On rappelle aussi à Bruxelles l’incroyable bourde des services français qui ont été incapables de prendre livraison de trois djihadistes français qui voulaient se rendre à la police hexagonale, en septembre 2014. « Chacun peut se renvoyer à la figure ses loupés », ironise-t-on dans les couloirs du gouvernement belge : « entre Saint-Denis et Molenbeek, mon cœur balance ». On rappelle aussi avec gourmandise que les liens entre la France et l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui finance les mosquées salafistes en Europe, sont particulièrement forts : « ici, aucune équipe de foot n’est la propriété du Qatar ».

« On a fait savoir à l’Élysée qu’on n’appréciait pas du tout ces critiques, même si on ne dira rien officiellement afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu », confie-t-on dans l’entourage du Premier ministre belge, Charles Michel. Pour autant, on ne nie pas qu’il y a un problème de radicalisation qui a longtemps été occulté « par naïveté et par lâcheté », mais qui n’est pas propre à la Belgique : « il serait d’ailleurs plus juste de parler de cellules terroristes franco-belges », souligne ainsi Denis Ducarme, député MR (libéral, le parti du Premier ministre). « Les brigades de Daesh sont structurées linguistiquement. Les francophones travaillent ensemble en Syrie et travaillent ensemble ici, souligne le député. Ils savent parfaitement exploiter nos défaillances individuelles et collectives ». « On est dans un espace francophone commun et Bruxelles et plus près de Paris que Montpellier », surenchérit Joëlle Milquet : « il y a eu des attentats à Londres, à Madrid, à Paris, à Bruxelles : on est face à un ennemi commun et à un problème de radicalisation commun«. Pour l’ancienne ministre, « l’unité européenne est aussi nécessaire que l’unité nationale : il est indécent de rejeter la faute sur d’autres ». « En fait, tous ces loupés belges ou français, montrent la nécessité d’un service de renseignements européen afin que l’échange d’informations soit automatique », estime Denis Ducarme. La Belgique souligne qu’elle a considérablement durci sa législation depuis les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de janvier dernier : « des mesures que veut prendre Hollande sont déjà en vigueur en Belgique, comme le retrait de la nationalité belge ». Ainsi, depuis février dernier, 169 personnes ont été condamnées pour terrorisme et 69 jeunes ont vu leurs papiers confisqués pour les empêcher de partir.

Reste que les autorités belges sont en partie responsables de ce « belgium bashing », le ministre de l’Intérieur N-VA (indépendantiste flamand), Jan Jambon, ayant clamé qu’il allait « nettoyer Molenbeek ».Une déclaration martiale qui ne peut se comprendre qu’à la lueur des tensions entre Flamands et Francophones : Molenbeek est une commune francophone de Bruxelles, ce qui permet de faire oublier que le principal groupe extrémiste, Sharia4Belgium, qui a été le principal pourvoyeur de combattant pour Daesh, était…flamand. Décidément, l’unité nationale ou européenne est un combat.

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