Ce n’est pas encore la fin du monde mais, c’est déjà la fin d’un monde. Le monde de l’élevage va mal, encore plus mal que le modèle agricole général à bout de souffle en raison d’une industrialisation toujours plus poussée qui déshumanise le métier, exploite façon Zola ceux qui sont en bout de chaîne et méprise les enjeux environnementaux. Vitrine de l’élevage, le Sommet de l’élevage, qui se déroule à Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme) du 7 au 9 octobre, renvoi l’image d’un secteur en pleine crise écartelé entre éthique et cupidité.
En première ligne, les éleveurs français ont des raisons de se sentir seuls. Bousculés pour ne pas dire hautement fragilisés par des prix bas (viande et lait), les aléas climatiques et désormais une épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO), ils ne trouvent pas auprès de la puissance publique les garanties qu’ils seraient en droit d’attendre.
Les symboles étaient forts pour l’ouverture de cette 24e édition du Sommet de l’élevage. A commencer par l’impuissance de l’Etat illustrée par un ministre de l’agriculture venu les mains vides avec pour seule bagage sa bonne volonté. Ensuite l’absence de vaches dans les travées en raison de l’épizootie de la FCO renvoyait une image on ne peut plus parlante. Les fausses vaches en décoration dans le ring visent certes à meubler le vide et à tenter de dédramatiser la situation mais, elles interrogent aussi sur l’avenir et la place de l’animal dans notre société.
Pendant deux mille ans l’homme et l’animal ont vécu un compagnonnage heureux basé sur le principe du don et de la dette. En échange du don de la vie de l’animal, l’homme contractait une dette, celle de l’accompagner jusqu’à sa mort en l’entourant de bons soins et donc en lui offrant un bien-être. L’élevage et l’abattage industriels au service d’une industrie agro-alimentaire ont mis à mal cette pierre angulaire d’une relation saine entre l’homme et l’animal, entre l’homme et son milieu.
Aujourd’hui, la violence ouverte, l’absence de pitié et de considération pour les animaux est devenue la norme, le bien-être l’exception. Derrière l’affichage politique où la loi classe désormais les animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité, l’industrie poursuit son chemin et ne voient en eux que des machines animales qui produisent de la matière animale.
La sociologue Jocelyne Porcher va plus loin. Elle considère qu’ « Avec les multinationales qui investissent dans les poulets sans poulets ou la mayonnaise sans œuf, nous nous dirigeons vers la disparition des animaux d’élevage ». Cette prédiction apocalyptique aux allures de Soleil vert repose sur le fait que face à une production animale industrielle devenue insoutenable d’un point de vue écologique, moral et sanitaire, multinationales et investisseurs plancheraient sur production de nourriture sans animaux.
Sur une planète qui devrait compter entre 9 et 10 milliards d’habitants en 2050 on comprend mieux les enjeux financiers liés à de tels scénarios.