L’industrie européenne des lanceurs a vécu relativement tranquille depuis 25 ans grâce au succès technique de la série des fusées Ariane ( 59 lancements d’affilés réussis par Ariane 5 !) , à sa domination sur le marché ( 60pct de part du marché mondial), à la disponibilité de la base de Kourou en Guyane et sans doute au fait que les programmes américains et russes étaient plus orientés vers les stations spatiales que vers les lancements de satellites. Un partage des taches qui devait convenir aux intervenants…
Les choses évoluent avec le temps qui pousse à devoir revoir régulièrement les programmes et les matériels. Or nous en sommes probablement à un tournant dans cette industrie qui devrait se traduire d’içi la fin 2014 par la redéfinition de ses objectifs. La faute au marché qui exige de plus en plus de satellites de télécommunications, dont le marché est devenu de ce fait extrêmement compétitif et tire vers le bas le coût unitaire des lancements. Le prix standard d’un lancement avec Ariane V est de l’ordre de 100 Millions de dollars. Les opérateurs souhaitent désormais que l’on puisse descendre vers les 70 millions de dollars voire en dessous.
Autre évolution technique, la propulsion électrique des satellites en cours de développement qui devrait faire baisser le poids des satellites des 5 tonnes actuelles vers les 3,5 tonnes alors que l’évolution des lanceurs est plutôt orientée, elle, vers l’accroissement de leur capacité d’emport ou de leur charge utile. Autre élément nouveau, la demande croissante pour des lancements multiples que l’évolution contraire des satellites vers plus de compacité et de légèreté et des lanceurs vers plus de puissance et de charge utile va encore renforcer
Le complexe industriel qui assure le développement et la construction des lanceurs et le lancement des satellites ou des stations spatiales est relativement complexe entre l‘Agence Spatiale européenne, l’ESA, qui gère ces progarmmes, le CNES, Centre National d’Etudes Spatiales, qui a la haute main sur l’évolution technique du matériel, Arianespace, la branche du groupe Airbus qui fabrique le lanceur.Une industrie dont le financement est assuré à 50 pct par la France,35 pct par l’Allemagne et 15 pct par l’Italie.
En face, l’industrie des constructeurs de satellites est très diversifiée, privée et est devenue très concurrentielle.Mais la grande nouveauté et la menace pour Ariane, c’est l’arrivée de nouveaux producteurs spécialisés dans le lancement de satellites. Le plus connu et redoutable est Space X, dont je vous parlais dans ma chronique du 17 juin comme l’entrant le plus dynamique sur ce marché niveau, qui a déjà effectué des ravitaillements de la station spatiale internationale et qui vient de présenter son prototype de navette spatiale, la Dragon V2, pour effectuer des vols habités vers l’ISS. Son patron et créateur, Elon Musk, le producteur des voitures tout électrique Tesla, poursuit le rêve d’aller un jour sur Mars et en attendant, veut financer son aventure avec l’aide de la Nasa et en vendant…des lancements de satellites de télécommunication. Il a déjà annoncé que grace au fait que son lanceur soit récupérable comme les navettes spatiales de la Nasa, le prix d’un lancement devrait pouvoir descendre à …20 millions de dollars.
Or les européens, sous la pression de la France et du CNES, avaient déjà décidé de construire un lanceur de nouvelle génération, Ariane VI, définit sa configuration technique et décidé de construire, en attendant la maturité d’Ariane VI, une version améliorée et plus puissante d’ArianeV, Ariane V ME. Date prévue du premier lancement d’Ariane VI, 2021 et pour Ariane V ME, 2018.Autres spécificités d’Ariane VI, elle a été concu pour faire des lancements uniques (Alors qu’Ariane V fait du lancement multiple) de « gros » satellites de 6;5 tonnes et abandonnera la technologie de la propulsion mixte cryogénique et solide au profit d’une propulsion exclusivement solide.
Fureur des opérateurs de satellites de télécoms qui bien qu’ayant été invités à faire part de leurs besoins propres, ont eu l’impression de ne pas avoir été entendus! A 70 millions le lancement nouveau ( – 30pct tout de même), c’est trop cher pour un satellite unique ont ils protesté. Ils ont trouvé une oreille complaisante pour les défendre chez Space X et auprès du président du CNES allemand, Johann-Dietrich Wörner qui, tout en sachant qu’avec 35 pct seulement du financement du programme de son coté c’était les français du CNES qui seraient les décisionnaires finaux, a critiqué la solution Ariane VI comme pas assez flexible et plaide également pour une propulsion liquide !!
La question, depuis, monte d’échelon en échelon pour en arriver certainement à une décision. Elle doit être prise en principe en Decembre 2014 sur la configuration du lanceur et sur la répartition des 10 milliards de budget global entre les partenaires…..