La guerre, les guerres, souvent, sont nées des replis sur soi, du renoncement à l’ouverture aux autres, aux étranges étrangers qui, à force d’étranges, devinrent « trop étrangers ». 1914-1918 dont on célèbre le centenaire fut la conséquence, entre autres, de l’accumulation de nationalismes opposés. Jusqu’à la boucherie !
Le parallèle pourra sembler très audacieux mais l’Ecole vit depuis des années l’exercice indigeste de « nationalismes » accumulés. Ici les Républicains, là les pédagogues. Ici la méthode syllabique, là la méthode globale. Ici les syndicalistes, là les non syndiqués. Ici le primaire, là le secondaire. Ici l’élite des grands lycées et des classes préparatoires, là les lycées professionnels. Ici les professeurs titulaires, là les Titulaires en Zone en de Remplacement (TZR)… Et j’en passe tant la liste est longue. Notre profession, dit-on, a un statut. Non, elle a DES statuts indéboulonnables, chacun agrippé au sien. C’est dangereux, c’est inefficace, c’est la source de blocages nombreux, de conflits récurrents. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il ne s’agit là tout compte fait que (prenez une profonde inspiration!) « de l’absolue nécessité de la pluralité des points de vue nécessaires au dialogue à l’intérieur de la grande famille de l’Education Nationale qui ne saurait se satisfaire de la pensée unique pour construire une Ecole multiple et multiforme… » etc, etc. Des phrases de cet ordre me font fuir! Et rire!
Car ce discours-là est, de fait et pas les faits,(observez!) l’illustration des « petits nationalismes », des prés carrés que chacun défend becs et ongles et, de renoncements en petites lâchetés, de concessions aux marges et de petits arrangements entre « amis », de statu quo en statu quo, l’arme permanente brandie dès qu’un Ministre un peu, un tout petit peu plus audacieux (suicidaire ?) que les autres, s’autorise à proposer quelques changements. Étrange profession que la notre, étranges enseignants souvent révoltés pour eux-mêmes, sincèrement et légitimement, mais qui, si l’on touche à l’emploi du temps du professeur d’espagnol ou si l’on réduit d’un paragraphe le programme d’Histoire (La géographie en général tout le monde s’en contrefiche), montent aux créneaux ! Halte là! Ne touchez plus à rien ! Statu quo ! Statu quo !…
Qu’on prenne garde quand même à ne pas rester enfermés encore trop longtemps dans nos « nationalismes » respectifs. L’Histoire nous apprend que les blocages ne se débloquent que dans et par la violence. Cette violence qui s’exerce déjà à l’encontre de nos élèves mais aussi des enseignants dont le mal-être est grandissant.
Combien de temps encore abusera-t-on des impatiences respectives ? Combien de temps encore préfèrera-t-on les dogmes à l’audace ? Combien de temps encore nous fera-t-on croire que le salut de l’Ecole passe par le protectionnisme des « nationalismes » mesquins ?
Christophe Chartreux