Pierre Bergé, une vision démodée de la presse

Errare humanum est. Perseverare diabolicum. Pierre Bergé est un récidiviste. L’actionnaire du groupe Le Monde est une nouvelle fois intervenu dans les médias pour mettre en cause le mode de traitement de l’information de « son » journal. Décidément ce grand patron de la mode n’aime les journalistes que quand ils ont le petit doigt sur la couture du pantalon.

« Est-ce le rôle d’un journal de jeter en pâture le nom des gens ? C’est du populisme. C’est fait pour flatter les pires instincts. (…) Ce n’est pas pour ça que je leur ai permis d’acquérir leur indépendance. Ce sont des méthodes que je réprouve » a déclaré l’homme d’affaires au micro de RTL. L’ire de l’entrepreneur de luxe trouve son origine dans l’excellente enquête internationale des journalistes du journal et du site sur le système international d’évasion fiscale mis en place par la filiale suisse de la banque HSBC, baptisé « Swiss Leaks ». Plus précisément, Pierre Bergé n’admet pas que des noms aient été jetés en pâture aux lecteurs et internautes.

La belle affaire. Outre un interventionnisme dans le contenu éditorial que n’aurait pas renié un oligarque des pays de l’Est, Pierre Bergé semble vouloir circonscrire la liberté de la presse dont il est actionnaire à ce qui ne le contrarie pas. Est-ce en raison de sa fortune personnelle estimée à 160 M€ en 2014 qu’il s’est senti, dans un réflexe de défense catégorielle, plus solidaire des riches personnalités mises en cause que du travail réalisé par le groupe d’information Le Monde ?

La Société des rédacteurs du Monde a réagi dans un communiqué dans lequel elle rappelle que « Le rôle des actionnaires est de définir la stratégie de l’entreprise, et non de tenter de peser sur le sens de l’information » et précise que,  » Cela n’a pas empêché et n’empêchera pas les journalistes de travailler sereinement en toute indépendance et responsabilité« .

Pierre Bergé, actionnaire problématique pour les journalistes ? Assurément et avec constance. En mars 2011, dans un courrier électronique adressé au directeur du Monde, il dénonce un article consacré à François Mitterrand, comme « immonde, à charge, digne d’un brûlot d’extrême droite« , une « honte qui n’aurait jamais dû être publié« .

L’homme d’affaires ajoute alors des propos qui expliquent le fond de sa pensée et les sorties à suivre : « je regrette de m’être embarqué dans cette aventure. Payer sans avoir de pouvoirs est une drôle de formule à laquelle j’aurais dû réfléchir ! Je considère que contrairement à ce que j’ai VOULU et à ce qu’ils prétendent, les journalistes du Monde ne sont pas libres mais prisonniers de leurs idéologies, de leurs règlements de compte, et de leur mauvaise foi. Tout cela est très grave« .

En avril 2013, il se déclare « profondément scandalisé » par une publicité pour la Manif pour tous dans Le Monde. Il avait également poursuivi de sa vindicte et menacé d’abandonner l’hebdomadaire La Vie (groupe Le Monde) en raison des éditoriaux du directeur de la rédaction contre le mariage pour tous. En octobre 2014, le président du conseil de surveillance du Monde et grand mécène de la gauche avait vivement critiqué une chronique sur un livre de Patrick Modiano, insulté un journaliste sur Twitter, et déclaré au passage qu’il « désapprouvait le plus souvent » le supplément littéraire du Monde.

A la liberté d’écrire, Pierre Bergé préfère celle des corps. « Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant «  avait déclaré en 2012 l’ancien compagnon d’Yves Saint Laurent.

Le distinguo n’est de toute évidence pas le fort de Pierre Bergé qui confond les us et coutumes du monde du luxe avec ceux de la presse. Il appartient à ce titre à un ancien temps marqué par les protections, les privilèges et des médias « bien pensants ». Le plus triste est sans doute qu’il n’a pas compris que ces pratiques et sa vision des choses ne sont plus à la mode.

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