Voilà près de 90 ans que la communauté des physiciens s’interroge sur la signification de cette mécanique quantique dont les succès expérimentaux ne sont plus à souligner tant ils forcent l’admiration et fascinent, tel des miracles contemporains joués avec des parties de spin dans un décors de haute technologie. La plupart des physiciens sérieux publiant un essai sur ce sujet se plaisent à citer la sentence de Feynman : « personne ne comprend la théorie quantique ! ». Ce cas est unique dans l’histoire des sciences comme le note Prigogine dans son livre consacré à la fin des certitudes. L’étudiant en physique ou bien l’honnête citoyen comprend aisément que cette énigme est un sacré mystère. Presque un siècle, des centaines, des milliers de physiciens, philosophes des sciences, des dizaines de prix Nobel et au bout du compte, personne n’a rien compris à la physique quantique. C’est bien là un problème du millénaire, à l’instar de ceux qui ont été formulés par les mathématiciens, comme par exemple la conjecture P égale ou différent de NP.
J’ai essayé de comprendre ce mystère et finalement, j’ai pu proposer quelques pistes qu’on lira dans mon essai sur la cosmonadologie quantique quand il aura trouvé un éditeur. Pour l’instant, je me propose de survoler intelligemment cette question en livrant une explication très générale. Pourquoi personne ne comprend la mécanique quantique ? Eh bien parce que cette mécanique est construite avec les ingrédients de la mécanique classique (Newton, Lagrange, Hamilton…) mélangés à des formules mathématiques exotiques, fonction d’ondes, états quantiques, matrices de spin, opérateurs. Ceux qui possèdent un minimum de bagage mathématique se disent en étudiant ces formules que c’est franchement génial mais que la nature se joue des hommes. Les plus grands parmi les physiciens du début du 20ème siècle ont échoué à se saisir des choses dévoilées par la physique quantique, qu’il s’agisse de Dirac, Schrödinger, Einstein ou Bohr. En 2015, la physique quantique n’est toujours pas comprise et de plus elle ne s’accorde pas avec l’autre mastodonte théorique, la cosmologie relativiste. La gravité quantique pourrait subir un cuisant échec mais chut !
Alors où est le problème ? Eh bien il est simple en vérité. Il ne faut pas essayer de comprendre la mécanique quantique en utilisant des notions en usage dans la mécanique classique. Le monde quantique est différent du monde de l’expérience phénoménale avec objet-matière et étendue mais notre monde est pourtant fait de la même substance que celui qui se dévoile avec la mécanique quantique. Alors allez comprendre. En vérité le problème est que la physique reste sur le plan épistémologique. Avec un signal facile à interpréter. Afin de raccorder les deux mondes, Bohr a élaboré deux principes, la complémentarité et la correspondance, lesquels sont des « rustines épistémologiques » permettant d’établir un lien entre l’univers quantique et le monde classique. Les physiciens ont échoué à comprendre la physique quantique parce qu’ils ont cherché là où c’est éclairé, avec les notions classiques. Lorsque l’on utilise les notions classiques, on ne peut pas interpréter les choses dévoilées par la physique quantique.
Que faire ? Eh bien adopter une démarche ontologique. C’est une question de fondements. Tant que l’on part du monde classique pour aller vers le quantique, on se fourvoie car le monde classique est phénoménal, il est partiel, superficiel, alors que le monde quantique est ontologique et monadologique et c’est le monde réel, le monde vrai au sens platonicien. L’occasion de formuler une savante boutade. La physique moderne et classique décrit le monde de la caverne, alors que la physique quantique permet de sortir de la caverne. Je laisse au lecteur l’appréciation de ce propos sibyllin. Autrement dit, il faut partir de l’ontologie quantique pour construire une ontologie classique et le tour sera joué.
Personne ne comprend la mécanique quantique ! Mais peut-être avez-vous compris après ces quelques notes lancées au vol d’un nuage de particules pourquoi on ne comprend pas la mécanique quantique. Rien n’est définitif car il est possible de sortir de la caverne en empruntant la conception monadologique. En prenant conscience que comprendre une théorie ne résume pas à utiliser une théorie. Vous pouvez utiliser votre PC sans rien comprendre sur les cartes mères, les processeurs et les disques durs. Il est possible d’utiliser la mécanique quantique sans rien comprendre de ce qu’elle dit sur la Nature.
Le fait que personne ne comprenne la mécanique quantique est une excellente nouvelle. Cela signifie qu’il y a un champ de recherche ouvert et des possibilités inouïes de progrès dans la connaissance. C’est comme au temps de Démocrite, Anaximandre et Pythagore. Les Anciens ne comprenaient pas la Nature, alors ils ont cherché et trouvé des explications assez savantes pour l’époque. Platon et Aristote ont parachevé cette étape cruciale de notre civilisation. Il nous est offert, à nous post-moderne, d’écrire une nouvelle page de la connaissance en essayant de comprendre la physique quantique et les autres physiques.