L'afflux de réfugiés fuyant leur terre natale des hordes sanguinaires des islamistes et des dictateurs n'a pas suscité que des élans de solidarité. Des responsables politiques et une forte proportion des ressortissants des pays démocratiques poussent en effet des cris d'horreur face à cette crise migratoire majeure.
La question des réfugiés a donné lieu à quelques saillies prétendant mettre en lumière des problèmes qui n’en sont pas et ignorant des difficultés qui constituent de vrais dangers pour les sociétés démocratiques. À cela s’ajoute une méfiance bien réelle parmi les populations européennes, par exemple en France [1], envers un accueil trop généreux des réfugiés et autres migrants. Les leaders racistes et xénophobes et autres souverainistes s’en donnent à cœur joie contre le « déferlement » migratoire, employant des arguments que les faits viennent pourtant démentir.
Les migrants seraient attirés par les prestations sociales des pays riches, leur secret espoir étant de vivre aux crochets des autochtones. Si c’était vrai, on se demande bien pourquoi des centaines de milliers de Syriens, d’Afghans, d’Irakiens et de Nigérians se pressent pour se rendre dans l’enfer ultralibéral britannique et boudent la France et son légendaire État providence aux largesses bien connues. Faut-il rappeler que les demandes d’asile, en 2014, ont diminué de 5 % en France ? Et qu’elles ont augmenté de 60 % en Allemagne, pays qui n’est pas connu pour la générosité particulière de ses prestations sociales ?
Les réfugiés ne volent pas le travail disponible
Les immigrés représenteraient une menace pour l’emploi des natifs qui se verraient voler le travail disponible. Là encore, l’argument ne tient pas face à la réalité. D’abord parce que nombre de secteurs de l’économie, partout en Europe, ont besoin de main d’œuvre pour prospérer. Ainsi, l’Allemagne voit d’un très bon œil l’arrivée de migrants pour assurer le renouvellement des six millions d’actifs qui partiront à la retraite d’ici 2030. Car, c’est là un autre fait qui semble totalement échapper à nos chantres du souverainisme et de la xénophobie, l’Europe vieillit. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, l’arrivée des classes d’âge du baby-boom à la retraite ainsi qu’un taux de natalité qui reste bas, la population européenne, sans apport migratoire, diminuerait, avec les conséquences explosives que cela générerait. Car il faut bien des actifs pour payer les retraites et financer les systèmes de prise en charge de la dépendance. Le taux de dépendance des personnes âgées, c’est-à-dire le rapport entre la population âgée de 65 ans et plus et celle de 15 à 64 ans, devrait passer de 26 % en 2010 à 53 % en 2060… Accessoirement, il faudra aussi beaucoup d’actifs pour régler les dettes colossales des États.
Malgré ces défis qui peuvent être surmontés grâce à l’immigration, celle-ci soulève un problème bien réel qui réside dans l’incapacité, ou du moins, les difficultés des pays d’accueil à intégrer les populations étrangères. Or de ces difficultés, l’État est le grand responsable. C’est ce qu'Alain Laurent nomme, dans son admirable livre La société ouverte et ses nouveaux ennemis, la « forfaiture morale et juridique des États » [2].
La France en offre un exemple éloquent. C’est d’abord la démission de l’État dans certaines zones qui sont désormais de non-droit, à l’opposé de l’État de droit qui caractérise toute démocratie. Nombre de banlieues sont livrées aux « bandes » qui pratiquent ainsi leurs trafics en toute tranquillité et contrôlent « leur » territoire en s’attaquant à tout ce qui peut symboliser une quelconque forme d’autorité : policiers, pompiers bien sûr, mais aussi agents EDF, éboueurs… Le viol du principe de l’égalité de tous devant la loi est ici manifeste. La « jungle » de Calais, en plus de l’humiliant symbole de la préférence des migrants pour le modèle britannique à celui de la France, constitue, elle aussi, une zone de non-droit où s’affrontent les groupes ethniques et d’où partent parfois des casseurs qui vont dévaster les rues environnantes. L’Éducation nationale constitue un autre champ que l’État a quitté pour laisser la place à un dangereux communautarisme. Ainsi, nombre de sujets ne peuvent plus être abordés dans les classes sans que se manifeste un antisémitisme ou une « occidentalophobie » d’origine musulmane : les religions, les croisades, le génocide des juifs, le conflit israélo-palestinien, Voltaire, voire l’anglais (langue du diable yankee) sont autant de sujets devenus sensibles qui traduisent une évidente capitulation de l’État qui aurait dû, dès le début, faire sanctionner le plus sévèrement possible toutes les expressions communautaristes dans l’enceinte scolaire. On se rappellera encore, au lendemain des attentats de janvier dernier, que dans plusieurs établissements en France, des élèves avaient refusé de prendre part à la minute de silence parce que, selon elles, Charlie Hebdo avait insulté leur religion. L’islamisme — car c’est bien de cela qu’il s’agit — a également envahi les hôpitaux où il n’est plus rare de voir des patients demander d’être examinés par un médecin du même sexe. Le voile, symbole de l’infériorité de la femme musulmane, s’est répandu en quelques années seulement, et comme par enchantement. Le pays compte une centaine de mosquées contrôlées par des salafistes. Récemment, à Bordeaux, le gérant musulman d’une épicerie avait instauré, à destination de ses clients et selon leur sexe, des jours spécifiques dans la semaine pour l’accès à son établissement, ce qui en dit long sur l’échec de l’intégration à la française et sur l’état de la laïcité dans le pays.
Le mythe du Londonistan
Le Royaume-Uni, qui est allé encore plus loin dans le « laisser-aller » communautariste, a vu prospérer sur son sol un véritable « Londonistan » où des prédicateurs islamistes pouvaient, il y a encore peu de temps, le plus librement et le plus publiquement du monde, appeler au meurtre leurs concitoyens non musulmans. Aux Pays-Bas, au milieu de la première décennie des années 2000, un tribunal accepta sur son sol une fondation caritative musulmane, Al-Haramoun qui entretenait pourtant des liens avec Al-Qaïda.
Si l’on ajoute à ces faillites étatiques la rengaine de la repentance maintes fois répétée, que ce soit dans les médias, la culture ou au Parlement, qui invoque sans cesse la culpabilité de l’Occident pour ses crimes commis autrefois et exigeant de celui-ci de battre sa coulpe, la constatation s’impose que les chances de réussite de l’intégration des populations non occidentales, principalement arabes, pourtant nécessaires sur un plan économique, sont plus que limitées.
À travers cette question l’on met à jour ce couple décidément inséparable formé par la liberté politique et la liberté économique. Celle-ci, en effet, constitue le seul moyen de créer des richesses en encourageant et en défendant l’activité et la création d’entreprises. Et cette création de richesses ne pourra se faire, dans les décennies à venir, que grâce à la main d’œuvre venue d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient. Mais la liberté économique suppose un État de droit qui reconnaît l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans aucune discrimination, la préservation des droits fondamentaux, à commencer par la propriété et l’intégrité physique, la privatisation de la religion, cantonnée à la sphère strictement privée tout en protégeant la liberté de conscience et d’opinion. Autrement dit, la question migratoire est l’occasion de réaffirmer avec force les valeurs et les principes qui gouvernent et doivent gouverner les sociétés démocratiques.
[1] Un récent sondage montrait que 56 % des Français étaient hostiles à l’accueil de réfugiés politiques sur leur territoire.
[2] Laurent, Alain, La société ouverte et ses nouveaux ennemis, Paris, Les Belles Lettres, 2008. La plupart des exemples qui suivent sont tirés de cet ouvrage.