Mieux vaut être anglophone au Québec que francophone en Flandre

D’abord, le Québec est un îlot francophone dans un océan anglophone, au contraire de la Belgique où les dialectes dérivés du néerlandais (brabançon, flamand occidental et oriental, limbourgeois) ont toujours été majoritaires. Mieux, le français de France (de l’île-de-France, plus précisément) n’était même pas la langue du sud du Royaume au moment de sa formation : les populations locales parlaient plusieurs dialectes wallons (langues d’oïl), certes liés au français, mais qui n’étaient pas du français. Le mythe d’une Flandre niée dans sa culture et opprimée linguistiquement par une Wallonie francophone est une construction purement politique : le français, langue de l’élite belge et langue dominante du XIXe siècle, a été utilisé, sans doute plus à tort qu’à raison, comme ciment de la «nation» belge en devenir et non comme moyen de domination des Francophones de Belgique. Ce qui était avant tout un conflit social, entre une élite internationalisée et des peuples utilisant divers dialectes francophones et néerlandophones, a été transformé en un conflit entre une Wallonie soi-disant francophone, riche et impériale, et une Flandre néerlandophone pauvre et martyrisée…

Ensuite, faut-il le rappeler ?, à la différence du Québec occupé par le Royaume-Uni à la suite de la guerre de Sept Ans perdue par la France (elle se vengera lors de la guerre d’indépendance américaine), la Flandre n’a jamais été colonisée par la Wallonie. La langue au Québec a donc été un moyen de résistance ce qu’elle n’a jamais été en Flandre. Pire, le mouvement flamand s’est à deux reprises servi d’une occupation étrangère, allemande en l’occurrence, pour faire avancer ses revendications…

On ne le sait pas ici, mais les francophones au Québec ont été victimes d’un véritable apartheid de la part des envahisseurs anglais et plus tard des Canadiens anglophones. La survie de leur culture a tenu du miracle, c’est-à-dire à la religion catholique et au rôle du clergé. Un exemple ? Jusqu’à la victoire du Parti Québécois, les Francophones n’avaient pas accès aux Pourvoiries, ces anciens relais français destinés au ravitaillement destinés aux chasseurs et transformés en hôtel de luxe par les anglophones. Le PQ les a nationalisées afin de les ouvrir aux francophones…

Autre différence majeure : si le français, depuis l’accession au pouvoir du PQ et l’adoption de la «loi 101» en 1977, est devenu une langue ultra-protégée (on dit «café» Starbucks et «Poulet frit du Kentucky» et non KFC là-bas), la minorité anglophone (environ 13 % de la population) est tout aussi protégée. C’est toute la différence avec la Flandre qui a chassé ou assimilé sa minorité francophone et qui interdit totalement l’usage du français, en tentant même d’imposer cette interdiction dans la vie privée, un processus impensable dans la Belle Province. En Flandre, les francophones ont disparu et même les villes qui avaient droit à un nom français et à un nom flamand ont dû abandonner le premier. De même, la lutte que mène la Région flamande en périphérie bruxelloise afin de chasser les francophones est tout simplement impensable au Québec puisque les anglophones ont toujours le droit de recevoir des services dans leur langue (école, hôpitaux, services sociaux) et toutes les communes à majorité anglophone (y compris celles qui le deviennent) peuvent obtenir le statut de ville bilingue (c’est le cas de 93 villes).

En Belgique, il n’y a qu’à Bruxelles où une minorité linguistique est protégée, mais il s’agit de la néerlandophone (5 % de la population). Cela en est même devenu caricatural : depuis la scission de l’arrondissement judiciaire bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde, il suffit qu’une partie soit domiciliée en Flandre pour que toute la procédure bascule en flamand, même si le procès a lieu dans la capitale belge… On peut donc dire qu’en Belgique, la minorité francophone est désormais victime de graves discriminations, comme le dénonce régulièrement le Conseil de l’Europe. Certes, le Québec privilégie l’immigration de francophones et essaie d’apprendre le français aux autres, mais la langue n’est en aucun cas un facteur de discrimination, la Cour suprême canadienne y veille.

Enfin, politiquement, le Québec ne s’est pas coupé du reste du Canada comme l’a fait la Flandre : la plupart des partis sont nationaux, seuls le PQ et le Bloc Québécois (son pendant fédéral, mais qui ne se présente qu’au Québec) étant purement francophones. La différence la plus fondamentale entre le Québec et la Flandre est le respect du citoyen : il ne viendrait à l’idée d’aucun parti de décider de l’indépendance sans en passer par un référendum. Les citoyens québécois ont d’ailleurs dit non à deux reprises, en 1980 et en 1995. En Flandre, c’est tout le contraire : la N-VA, le parti indépendantiste, n’envisage absolument pas d’en passer par les urnes parce qu’elle sait que son projet n’est – curieusement – soutenu que par 15 à 20 % d’une population qui soutient pourtant les politiques anti-francophones de ses dirigeants. Les flamingants rêvent donc d’une séparation de velours, à la tchécoslovaque, décidée sur un coin de table. Un projet que le statut de Bruxelles rend quasiment impossible.

Bref, entre un Québec tolérant et démocratique et une Flandre que ses élites ont renfermée sur elle-même, il y a plus qu’un monde, il y a une conception du monde.

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