Ils sont là par milliers qui pépient et qui gazouillent. L’Ouganda est un pays d’oiseaux. D’ailleurs l’emblème qui figure sur son drapeau est une grue cendrée. Plus élégante qu’un coq, et surtout moins agaçante au petit matin et tous les jours de la semaine… Plus difficile à repérer, aussi.
Le temps est lourd aujourd’hui, et chaud. Après ces derniers jours de pluies diluviennes, le soleil est revenu, mais l’évaporation qu’exhale la terre rouge rend l’atmosphère pénible. Je regarde tout, je renifle tout, j’écoute tout. Dans moins de trois semaines, je serai de retour. Déjà, la grisaille franchouillarde des maux relayés par la presse, sur la toile, m’étouffe. Déjà ! Je quitterai un pays où les habitants rient, pépient et gazouillent comme leurs milliers d’oiseaux, même quand le vermisseau se fait rare.
Je me gave de mes étudiants, tous ces jeunes hommes, et une seule femme, qui sont humainement de superbes rencontres. Je ne sais pas si j’ai été une bonne prof, j’imagine que, débutant dans ce métier, j’ai eu des errances et des erreurs. En matière d’enseignement des langues, les cultures sont pesantes au point que l’on peut s’y noyer. Je les observe en me demandant ce qu’ils deviendront, ce qu’ils feront de ces mois passés à s’imprégner de la langue de Molière, eux qui sont plurilingues, une de plus. Ils parlent de nombreux verbes, comme autant d’oiseaux qui pépient et gazouillent.
Je me sens comme la cigogne à sa première migration. À la fois heureuse de retrouver mon nid et déjà en proie à la nostalgie. J’ai aimé ce pays, malgré les aléas du quotidien, malgré tout ce à quoi j’ai été confrontée et, qu’occidentale, je ne peux pas comprendre : les pressions des églises et la violence que l’on sent parfois si proche de la surface ; la mort, omniprésente ; l’inceste et la pédophilie. Quand je dis « confrontée », c’est ce que j’ai vu, entendu, ou encore ce que j’ai recueilli des histoires que des ougandais ont partagées avec moi.
L’Afrique m’a changée.