Le Plus/Le Moins est une chronique cinématographique hebdomadaire. Vous y découvrirez, toujours avec concision, le meilleur et le pire de mes (re)découvertes.
Et cette semaine…
Le Plus : Sleepy Hollow : La Légende du cavalier sans tête (1999). 1799, les autorités new-yorkaises dépêchent un fin limier dans une bourgade reculée de la Nouvelle-Angleterre. Jeune érudit, il a pour mission d’y enquêter sur une série encore inexpliquée d’atroces décapitations. Sur place, les rumeurs les plus insensées circulent sans discontinuer, tandis que la terreur se répand de foyer en foyer… ~ Vous n’êtes vieux que de douze printemps et vous venez de découvrir Sleepy Hollow. Encore sous le choc, vous cherchez à désembrumer votre esprit. Vous avez été subjugué, fasciné, envoûté. Par l’esthétique gothique, par les têtes en plâtre et en silicone sculptées à la main, par les mirifiques décors expressionnistes de Rick Heinrichs, par ces bancs de couleurs grisantes, atténuées à l’aide de filtres. Transporté par les compositions rutilantes de Danny Elfman, enchanté par cette ville pittoresque dérobée sous un voile de brume, vous avez goûté aux saveurs contrastées du conte crépusculaire, aux saillies sarcastiques tranchantes, à une beauté visuelle mâtinée d’étrangeté. Revigoré, votre cœur persiste à balancer entre un mystérieux mercenaire revenu des enfers et un jeune scientifique d’avant-garde, sceptique aux méthodes aussi rationnelles qu’atypiques. Vous l’ignorez encore, mais cette expérience enchanteresse vous marquera à tout jamais. ~ Vous revisionnez Sleepy Hollow des années plus tard. Vous comprenez que Tim Burton y donne la pleine mesure de son cinéma, y niche subrepticement, de bout en bout, un hommage à la Hammer Film Productions, y déploie des perspectives forcées et une qualité graphique devant beaucoup à Emmanuel Lubezki. Vous vous attachez au cavalier sans tête, énième créature burtonienne évoluant en marge de la société, inlassablement stigmatisée et ostracisée par elle. Vous parvenez – enfin – à saisir dans leur plénitude les tenants et aboutissants d’une machination de notables, où s’entremêlent sournoisement vengeance, cupidité, insatisfaction et opportunisme. De la même manière qu’en 1999, vous vous laissez captiver par la lumière stroboscopique, la tonalité illustrative allemande, l’influence iconique de Theodor Seuss Geise, les décors noirâtres implantés dans la vallée de Lime Tree et les performances louables de Johnny Depp, Christopher Walken ou Christopher Lee. Surtout, vous êtes définitivement convaincu que cette adaptation de Washington Irving vaut au moins son pesant de replay. (8/10)
Le Moins : Malavita (2013). Il n’y a pas à dire : Luc Besson cultive un certain talent quand il s’agit de se tirer des obus atomiques dans les chaussons. Il se réapproprie des cultures contrastées ? Il ne fera qu’aligner les clichés comme on enfilerait des perles. Il veut accélérer la cadence d’un tournage ? Il en arrive à conserver des scènes de répétition mal branlées, aussi grotesques qu’un merdaillon du lycée Molière après trois gorgeons. Il hérite de Martin Scorsese comme producteur exécutif, de Robert De Niro en principal interprète ? Il ficelle benoîtement un pastiche comico-mafieux, une parodie de mauvais goût portée par un budget improbable. Histrion aux idées faméliques, son Malavita a pour seul scénario quelques lignes gribouillées dans l’urgence, des ressorts dramatiques éculés, des visions distordues, amplement fantasmées, et un humour méchamment bafoué. En représentation fidèle, le synopsis condense la plupart des schématismes à venir. Traquée par des mercenaires, une famille de criminels originaire des États-Unis décide de se réfugier… en Normandie. L’arrivée impromptue de ces ressortissants de l’Oncle Sam va piquer au vif la curiosité d’un voisinage manifestement peu enclin aux changements. Tiré d’un roman de Tonino Benacquista, partiellement tourné dans les studios de la Cité du Cinéma, le film de Luc Besson n’est finalement que l’ombre de la moitié d’un hologramme de création artistique aboutie. Prisonnier d’un académisme confondant, il ne fait qu’aller à vau-l’eau, laissant se télescoper avec fracas des nuées de personnages blêmes et inexpressifs, moins pertinents qu’une pelure de banane : le truand indiscret, l’épouse irascible, le gosse rusé, l’adolescente au romantisme suranné, l’agent zélé, etc. Abrutissant au possible, ringard – outre Robert De Niro, on retrouve Michelle Pfeiffer et Tommy Lee Jones –, ce Malavitachargé de références galvaudées n’en finira jamais de cumuler le prétentieux et le désuet. (4/10)