Le Plus : « Gentleman Jim » / Le Moins : « Aimer, boire et chanter » (#49)

Le Plus/Le Moins est une chronique cinématographique hebdomadaire. Vous y découvrirez, toujours avec concision, le meilleur et le pire de mes (re)découvertes.

Et cette semaine…

Le Plus : Gentleman Jim (1942). Investissant le ring fièrement, sans jamais céder au doute, James John Corbett a toujours fait montre d’une agilité et d’une aisance sans commune mesure. Considéré comme l’un des pères de la boxe contemporaine, il avait l’habitude de l’emporter à l’usure, harassant ses adversaires à force de déplacements frénétiques et d’une persévérance à toute épreuve. L’apparente désinvolture de cette légende du sport ne pouvait être mieux reflétée que par ce Gentleman Jim obstinément linéaire, étranger aux entorses narratives comme aux déclamations assommantes et aux ramifications superfétatoires. Fin décrypteur des cœurs, le très prolifique Raoul Walsh échafaude un biopic nimbé de vie et d’à-propos, porté par une réalisation ultramoderne et la composition pénétrante d’un Errol Flynn au sommet de son art. Olibrius doté d’une volonté sans faille, Corbett se trouve en porte-à-faux entre une bourgeoisie évoluant en circuit fermé et un prolétariat dont il cherche assidûment à s’émanciper. De quoi subodorer une forme d’équilibre instable et se livrer à quelque démonstration de l’ambition débridée d’un « Irlandais des faubourgs » pour qui l’ascension sociale se confond volontiers avec la sainte quête du Graal. Somptueusement photographié par Sidney Hickox, léger comme une glace à l’eau, Gentleman Jimne se dispense jamais ni de profondeur, ni de hauteur de vue. Il délaie son propos avec ingéniosité et talent, bondissant sans coup férir des recoins dissimulés (les mornes bureaux bancaires) vers les projecteurs aveuglants (les rings de boxe, les parades médiatiques). Comble de l’ironie, une fois la notoriété apprivoisée, chacun s’échinera à s’en arroger les mérites, donnant lieu à un déferlement de tirades aussi invraisemblables qu’hypocrites. Mais au-delà des questions de classe et de rang, Raoul Walsh entend délinéer une histoire d’amour capricieuse, échappant à toute convention, procédant par répliques fulgurantes et pastilles comiques délectables. Une entreprise joliment couronnée de succès. Ainsi, de bout en bout, la tonalité s’annonce adéquate, finement contrastée, érigeant notamment les deux séquences finales – le dialogue avec John Sullivan et la concrétisation amoureuse – en témoignages inaltérables sur l’apprentissage de l’humilité. (9/10)

Le Moins : Aimer, boire et chanter (2014). Une carte postale en provenance de la vaste campagne anglaise. Trois couples éprouvés et un malade dont les jours sont comptés. Une rivalité féminine exacerbée par la convoitise, interdite et irrépressible, d’une même attention. Pour son ultime tour de piste, Alain Resnais pilote un vaudeville aussi léger que bavard, dont l’intrigue porte essentiellement sur un voyage à Ténériffe, prétexte aux jalousies, quiproquos, mesquineries et blessures plus ou moins enfouies, au mieux avouées à demi-mot. Dans un décor irréel aux couleurs pimpantes, fait de tissus déchirés et de carton-pâte, le réalisateur français brouille les frontières particularisant le cinéma et le théâtre, vaquant à une succession de saynètes aux saillies inégales et à la consistance relative. Méthodique et appliqué, il aligne les plans-séquences figés, les monologues piquants et les mouvements à l’épure. Adaptation d’une pièce d’Alan Ayckbourn, Aimer, boire et chanter insinue à la fois l’espoir et le doute dans les portraits qu’il brosse, jamais économes en menues ruptures et ressorts tragicomiques. De ces chassés-croisés de sentiments et de conversations ressortiront quelques plans somptueux, des dialogues joliment ciselés, l’insertion de dessins dépaysants, un hors-champ habilement exploité, une fantaisie minimaliste et une distribution au poil – Sandrine Kiberlain, Hippolyte Girardot, Caroline Silhol, André Dussollier, etc. Cette réussite ne pourra cependant s’appréhender qu’en demi-teinte. Car Alain Resnais aurait certainement gagné à dépoussiérer son script, à amenuiser tout ce goulûment artificiel, à insuffler plus d’ardeur aux situations, à sacrifier l’évidence pour la subtilité. C’est peut-être ce que l’on appelle, communément, se prendre les pieds dans le tapis. (6/10)

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