Le Plus/Le Moins est une chronique cinématographique hebdomadaire. Vous y découvrirez, toujours avec concision, le meilleur et le pire de mes (re)découvertes.
Et cette semaine…
Le Plus : Ascenseur pour l'échafaud (1958). Le souffle fiévreux d’Alfred Hitchcock et de Robert Bresson dans la nuque de Louis Malle. Un premier grand rôle dramatique pour l’immense Jeanne Moreau. Une Mercedes 300 SL aussi rare que clinquante. Deux jeunes amants tragiques, maudits, fermement conduits à craindre le cercueil et le cachot. Des plans nocturnes de la ville, bercés par des partitions jazzy enveloppantes, improvisées par l’étincelant quintet de Miles Davis. Vous l’aurez compris, Ascenseur pour l'échafaud n’a rien du petit film quelconque au plaisir fugace. Teigneux et parfois méphitique, il se réapproprie avec talent les codes du cinéma noir, et narre par le menu un assassinat prémédité tournant en eau de boudin. Le meurtrier se trouve lamentablement coincé sur les lieux du crime, tandis que sa complice, laissée seule et sans nouvelles, en butte à la méfiance, se voit assaillie d’interrogations. Un couple insouciant et sulfureux viendra encore brouiller les cartes et complexifier le puzzle narratif. Formellement captivante, cette adaptation d’un roman de Noël Calef relègue l’intrigue policière au second plan ; les relations psychologiques tiennent lieu de ligne directrice et permettent de sonder des individus aux desseins divers. Louis Malle confronte ainsi des psychismes parfois incompatibles, plongeant ses protagonistes dans un étau qui ne cessera jamais de se resserrer. Si la séquence d’ouverture projetait ouvertement Julien Tavernier sur le devant de la scène, l’ancien parachutiste ne sera finalement qu’un silence dans un bal de fantômes. Œuvre d’un cinéaste à la maturité précoce, Ascenseur pour l'échafaud magnifie avec maestria le grain de sable qui enraye la machine criminelle. Il radiographie l’homme, à la poursuite du paradoxal et faisant front à des doutes en cascades. Surtout, il sonne et s’impose comme un drame hitchcockien ténébreux, imperturbable, à la grâce communicative. (8/10)
Le Moins : Replicant (2001). De prime abord, une association entre Jean-Claude Van Damme et Ringo Lam a de quoi faire frémir les cinéphiles même les plus téméraires. Promesse d’un bourrin chevaleresque, une telle union sent forcément la poudre… et le bon gros navet. Il faudra pourtant se rendre à l’évidence et se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude : aussi étrange que celui puisse paraître, Replicant peut s’appuyer sur quelques bonnes idées et une réalisation plutôt convaincante. Relativement déroutant, le comédien tragicomique belge parvient même à jouer Terminator et Rain Man dans un même film, sans forcément se noyer dans le petit bassin. Une performance en soi. Oxygéné par des saillies humoristiques, cet uppercut bien rythmé signé Ringo Lam fait la part belle aux visions subjectives, aux scènes d’action maîtrisées, aux séquences réversibles et aux surimpressions. Ses partis pris de mise en scène rendent le spectacle suffisamment piquant pour engourdir l’attention du spectateur exigeant et faire oublier quelques (grosses) faiblesses conceptuelles. Mais le miracle s’arrêtera toutefois au scénario. Cousu de fil blanc, tenant sur une moitié de timbre-poste, il s’empare avec peine de thématiques déjà usées jusqu’à la corde : les blessures enfouies, le recyclage émotionnel, la vengeance ou encore la dualité identitaire. De quoi refroidir le climat, sans pour autant en appeler aux grandes gelées hivernales. (5/10)