Le sujet dont on vous parle le plus dans le domaine écologique est celui du réchauffement climatique dont on nous prédit les conséquences désastreuses d’ici la fin du siècle.Vous connaissez les causes et les conséquences du problème.
Avec le développement économique, l’élévation du niveau de vie, et l’accroissement des populations et de leur espérance de vie, nous consommons de plus en plus d’énergie ce qui se traduit par des émissions de plus en plus considérables de gaz carbonique, CO2, qui est le résultat incontournable de toute combustion que ce soit de bois, de gaz, d’essence ou de charbon.
Or, le CO2 présent dans l’atmosphère intervient dans le cycle de réémission de la chaleur planétaire. Il se produit un effet de serre d’autant plus intense que la teneur en CO2 dans l’atmosphère est élevée. C’est du moins ce que nous racontent les experts les plus nombreux qui sont réunis au sein du GIEC pour suivre cette question à l’échelle planétaire.
Il existe un autre problème dont scientifiques, politiques et médias , nous parlent beaucoup moins et qui serait d’après d’autres intervenants dans ce débat tout aussi grave, voire plus urgent à traiter que celui du réchauffement climatique, c’est celui de la disponibilité de l’eau. Si je vous en parle aujourd’hui c’est parce que c’est un grand industriel, le patron de la firme suisse Nestlé,plus grosse société au monde de l’agroalimentaire, Mr Peter Brabeck, qui a soulevé cette question à l’occasion d’un interview au Financial Times.
A cette occasion ce journal a réalisé une étude approfondie et très intéressante du sujet dont je me suis permis de résumer quelques unes des conclusions.
Tout d’abord, d’où provient l’eau dont nous disposons sur la planète et les différents type d’eau que nous utilisons? A 97 pct c’est de l‘eau de mer, donc salée et peu utilisables de ce fait pour des usages « humains », sauf pour la dessaler.
Les 3 pct restants sont de l’eau douce mais sous différentes formes. 68,7 pct est stocké sous la forme de glaciers ou de banquise et 30,1 est stockée dans les nappes phréatiques (groundwater). Il en reste courant librement à la surface de la planète et accessible facilement pour l’homme….1,2 pct! Encore cette eau est elle sous différentes formes également avec des possibilités d’accès de difficultés variables.
Elle est de plus inégalement répartie sur la planète avec 60 pct de cette eau douce qui se rencontre dans 10 pays seulement, Rissie, Brésil,Etats Unis, Chine, Canada, Indonésie,Colombie Pérou et Inde.Ce classement doit être relativisé néanmoins en fonction des populations et des surfaces de ces pays. Nous français, faisons partie des pays plutôt favorisés par le sort.
A quoi est utilisée cette eau? C’est très variable suivant les pays et continents en fonction de l’importance respectives de l’utilisation à titre domestique, de celle de l’agriculture et des pratiques d’Irrigation et des utilisations industrielles et donc du niveau de développement économique .
Le tableau ci contre nous donne cette répartition à l’heure actuelle.Comme vous voyez le domaine d’utilisation majeur reste l’agriculture, en particulier dans les continents les moins développés économiquement alors que l’importance de l‘utilisation industrielle est patente en Amérique et en Europe.
Une spécificité très particulière de l’eau. Elle est gratuite et d’accès libre pour les utilisations agricoles y compris l’irrigation. Elle est payante pour les autres utilisations que ce soit industrielles ou domestiques.L’accès à l’eau est considérée comme un droit imprescriptible de l’humanité et aborder le sujet de sa gestion soulève immédiatement des réactions très émotionnelles. L’eau est un don de Dieu. L’attachement que nous y portons est viscéral, spirituel avec une forte connotation religieuse et en plus notre contact avec l’eau est journalier.
Nul doute qu’une telle différence de traitement dans cette utilisation posera problème un jour. D’ores et déjà des conflits ont eu lieu dans certains pays à ressources limitées en eau, fortes populations et niveau de développement faible comme l’Inde.
Voila donc les éléments de base de la disponibilité de l’eau à la surface de la planète. Qu’en est il de son utilisation?
Que se passe t il donc dans l’utilisation de cette eau pour que un PDG de très grande société du secteur agroalimentaire comme Nestlé et Pierre Brabeck en eau son PDG prenne la parole publiquement pour signaler que le problème des ressources, que l’on appelle désormais le problème de la rareté de l’eau soit à prendre en compte immédiatement par la communauté internationale car plus critique que celui du réchauffement climatique?
Un élément majeur tout d’abord, l’accroissement permanent des populations dans le monde qui du fait de l’espérance de vie des populations qui progresse tous les ans, liée aux progrès de la médecine, est prévu passer de 7 à 8 milliards d’êtres humains en 2025 et à 9,5 milliards en 2050.
En même temps la classe moyenne est prévue plus que doubler de 2 à 5 milliards d’êtres humains d’ici 2025. Or c’est cette classe moyenne qui est très demanderesse des modes de vie et des habitudes alimentaires des pays développés. Or tout passage d’une alimentation simple à base de légumes et produits locaux à une alimentation plus sophistiquée à base de viandes et de produits importés est très consommatrice d’eau. Un hamburger importé coute 2400 litres d’eau là ou une tomate ou une pomme de terre locale n’en exige que 30.
De même les douches et les bains généralisés, la télévision, le conditionnement d’air et la multiplication d’appareils nécessitant de l’électricité ainsi que l’accroissement du nombre de voitures ou la pratique de vacances à l’étranger ne font qu’accroitre les besoins hydriques et énergetiques des populations de la planète.
Tout ceci se traduit par une demande en hausse constante des besoins en eau. Des 4431 Km3 d’eau par an nécessaires aujourd’hui, il faudra en trouver 5235 en 2025 soit 20pct de plus.
Or nous avons déjà commencé à « taper » dans les réserves.Les nappes phréatiques auxquelles on ne faisait pratiquement pas appel au début du siècle sont devenues petit à petit une ressource en eau douce pour 2,5 milliards d’êtres humains sur la planète et les précipitations naturelles ne suffisent plus à en assurer le remplissage. Au point qu’il faut désormais suivre leurs niveaux, dans les pays développés tout au moins.
De nouvelles utilisations de l’eau sont apparues partout sur la planète. L’irrigation s’est développée à grande vitesse et sans contrôle dans l’agriculture puisque dans cette activité, l’accès à l’eau a été de toute éternité gratuit et considéré comme un don de Dieu. De nouvelles applications sont apparues dans l’industrie avec par exemple le développement des Data centers, gros consommateurs pour leur refroidissement, celui de la technique du fracking pour les gaz de schistes( 2 millions de gallons par puits), celles de l’industrie minière ou des schistes bitumineux qui s’en rapproche qui sont également de très gros consommateurs d’eau et la multitude de nouvelles usines ou installations industrielles dans le monde qui s’accompagne à chaque fois d’installations sophistiquées de traitement des eaux.
La solution pour résoudre le problème de la rareté de l’eau, c’est la désalinisation de l’eau de mer qui malheureusement coute très cher. Pas moins de 17 200 usines de dessalinisation existent de par le monde et leur nombre est appelé à continuer de croitre pour atteindre une capacité de traitement de 80 millions de m3 par jour.
Le programme le plus extrême du point de vue des coûts d’approvisionnement est celui de la mine de cuivre d’Escondida au Chili, en cours de mise en exploitation par BHP Billiton et Rio Tinto qui se situe à 3000 m d’altitude et est prévue être alimenté en eau par une usine de désalinisation d’eau de mer situé sur la cote chilienne et monté par pipe jusqu’à la mine pour 3 milliards de dollars!
J’ai eu l’occasion de vous faire un panorama complet des problèmes de risque de pénurie d’eau dans le monde en résumé d’un article documenté sur le sujet du Financial Times que j’ai essayé de résumer au mieux. Il est temps d’en arriver aux considérations finales, aux conclusions et à quelques propositions de solutions telles qu’elles ont été exprimées par Peter Brabeck le PDG de Nestlé . Les voiçi:
a/ Le problème majeur qui affecte la gestion de l’eau et sa rareté réside essentiellement dans le fait que son utilisation est soumise à plusieurs régimes totalement différents, celui de la gratuité et de la disponibilité prioritaire pour l’agriculture, celui payant mais à disponibilité sans limite, l’utilisation domestique et celle payante mais non prioritaire pour les applications industrielles. Cela se traduit par des confrontations parfois violentes entre les différentes parties, les agriculteurs contre l’usine voisine, Coca Cola par exemple, dont ils pensent qu’elle affecte la disponibilité de « leur eau ». Le fait que pour certains utilisateurs l’eau n’a pas de prix fait qu’un accorde peu d’attention à sa préservation et qu’on a tendance à la gaspiller facilement. Un exemple frappant de ces différences, le cas du brasseur SAB Miller qui pour sa brasserie d’Afrique du Sud, a installé un système d »approvisionnement en eau qui rejette plus d’eau qu’elle n’en prélève dans les nappes phréatique à un cout de 50 cts le m3 quand les fermiers qui cultivent pour lui aux alentours l’orge dont il a besoin pour produire sa bière, l’ont à 0,5 cts!
b/ L‘écologie de l’eau et celle de l’air et du réchauffement climatique peuvent avoir des intérêts contraires. Par exemple en Chine, il a été décidé de supprimer le refroidissement à l’eau des centrales à charbon et le remplacer par du refroidissement à l’air.Mais pour ce faire il faut plus d’énergie et donc consommer plus de charbon et polluer davantage l’air.
c/Nous sommes confronté pour les raisons ci dessus à une mauvaise gestion des ressources hydriques qui ne permettent pas de prendre les décisions appropriées en cas de problèmes et ce d’autant plus que les conditions d’insuffisance de ressources ne sont jamais générales mais extrêmement locales en fonction des déséquilibres entre les besoins des uns et des autres
d/Globalement, il est prévu qu’en 2030 la demande en eau douce excédera de 40 pct la disponibilité avec de larges variations géographiques si nous n’améliorons pas la ressource et ne maîtrisons pas les utilisations inefficaces
Que faut il ou que pouvons nous faire? Pour Monsieur Brabeck la solution est essentiellement entre les mains de politiques et des administrations qui les servent. Il faut tout d’abord mettre en place des politiques de régulation globales de l’utilisation de l’eau, tous utilisateurs confondus avec des limites particulières pour l’irrigation à partir de nappes phréatiques et pour une meilleure réutilisation des eaux usées. Il y a des précédents, à Singapour ou en Israël., pourquoi ne pas s’en inspirer?
Un type d’action qui n’est pas couteux mais est très effectif doit être privilégié. celui de la « chasse aux fuites » . L’expérience montre que cela est 50 à 200 fois plus efficace dans un réseau de distribution d’eau que d’investir dans une usine de traitement d’eaux usées. Apprendre à utiliser les eaux usées pour certaines applications est également une solution appréciable. La plus grande difficulté, néanmoins sera de convaincre le personnel politique de réguler utilisations et subventions aux populations agricoles.
En conclusion finale ne jamais oublier que nous serons à court d’eau bien avant d’être à court de pétrole et qu’il est plus urgent de résoudre les problèmes de disponibilité d’eau que de gérer le changement climatique!