Le cours des sciences et des savoirs est-il entrelacé avec les crises de l’Histoire et les transformations des sociétés, notamment pendant l’ère moderne, disons depuis 4 ou 5 siècles ou même plus si l’on remonte aux connaissances médiévales ? Il est difficile de répondre à cette question d’autant plus que l’Occident a pratiquement toujours été en crise. L’Histoire des hommes n’est pas plus réglée que le climat. Les lois universelles s’appliquent aux hommes comme à la matière. La flèche du temps conduit vers le chaos mais une seconde flèche du temps mène vers l’ordre et l’harmonie. Si vous ne le savez pas, c’est que la nouvelle théorie du Temps n’a pas été encore élaborée mais ne vous inquiétez pas, certains sont sur l’affaire.
La relativité générale a été élaborée par Einstein entre 1914 et 1917, exactement pendant le terrible conflit qui a mené au traité de Versailles, à l’avènement des Soviets puis au fascisme mussolinien. La mécanique quantique est née disons en 1927. En même temps que la parution d’Etre et Temps de Heidegger, quelques années avant la grande dépression qui précéda la guerre de 39. Les nouvelles théories suscitent les passions. Ce fut le cas pour la mécanique quantique avec la bataille entre les conservateurs menés par Einstein et les réformateurs conduits par Bohr. La relativité générale n’a suscité aucune controverse les années suivant sa publication. C’est logique, seuls trois physiciens avaient compris cette théorie. Par contre, l’évolution de Darwin a produit des guerres idéologiques et scientifiques d’une intensité qu’on ne soupçonne pas. Même si Dieu était mort selon une formule de Nietzsche, le « cadavre agonisant » des institutions religieuses s’agitait dans tous les sens. La vie de Pasteur n’a pas été de tout repos, comme celle de Galilée du reste. Et Descartes fut obligé de se planquer ailleurs pour se faire éditer.
Et maintenant, en 2015 ? Il ne se passe rien en sciences. Pas de nouvelles théories, pas de découverte majeure, aucune controverse si ce n’est les disputes de cours d’école entre darwiniens et créationnistes. Tout au plus des questionnements sur le matérialisme et un aggiornamento en cosmologie quantique avec cette « guerre des trous noirs » pour reprendre le titre d’un livre fort passionnant écrit par Leonard Susskind. Un livre peu commenté dans la presse scientifique française qui a montré une fois de plus ses déficiences. On mesure la vitalité de la recherche d’un pays avec la qualité de sa presse scientifique. Les Anglo-Saxons sont bien placés. L’affaire des trous noirs n’a guère troublé les gens de science, pas plus que le cours régulier des journées de Kant ne fut perturbé par l’annonce de la prise de la Bastille en 1789. Pourtant, la controverse qui s’est jouée dans la question des trous noirs n’est pas anodine. Elle concerne une « certaine tension » entre la mécanique quantique et les trous noirs qui sont le produit de la relativité générale. Avec une question de portée universelle sur le devenir de l’information, cette question étant indissociable de l’interrogation sur ce qu’est l’information naturelle au sens ontologique.
La presse scientifique préfère s’encanailler avec le spectaculaire, du genre boson de Higgs et particule de Dieu, ou alors le visage révélé du Big bang à travers un télescope dans l’espace ou enfin un improbable virus géant décongelé et qui pourrait se réveiller en décimant une partie de l’humanité. C’est à se demander si la presse scientifique ne méprise pas le lecteur, le jugeant incapable de comprendre les grands enjeux théoriques mais le considérant tout à fait prompt à s’émoustiller sur des scoops tel un gamin ébloui par les drôles d’animaux dans un zoo. Le public instruit ne se réduit pas à cette horde de badauds se pressant dans les show des Hubert Reeves et autres Michel Serres.
La guerre des trous noirs figure comme une première alerte avant la grande bataille qui va aboutir à un changement de paradigme et certainement à l’élaboration d’une nouvelle cosmologie. D’autres alertes se sont présentées ces dernières années. La question du « mur de feu », elle aussi liée au devenir de l’information dans le trou noir, a fait réfléchir les initiés de la physique, d’aucuns envisageant de sacrifier un des deux piliers de la physique, la mécanique quantique ou bien la relativité générale. Mais déjà en 1927, on pouvait déceler les signaux d’un séisme scientifique à venir.
Il devient plausible d’envisager un séisme en science faisant écho et résonance avec la crise du monde moderne qui s’accentue depuis 2008 et qui ne se résume pas, loin s’en faut, à une question d’économie et de finance. La crise de 2008 n’est pas la cause d’un marasme mondial mais juste la conséquence de transformations techniques et sociales d’un monde perdu dans le culte de l’argent, l’efficacité, les désirs narcissiques, les dominations, la démesure, la démographie non contrôlée et j’en passe. Dans un contexte de monde crépusculaire, un séisme scientifique n’est pas un point de détail. Une nouvelle science ouvre de nouveaux horizons et s’insère dans une refonte des consciences et la reconstruction d’un monde moderne qui pour l’instant, est menacé d’imploser. Le modernisme contemporain est une calamité tout aussi néfaste que l’ont été le fascisme, le nazisme et le stalinisme.
Je ne saurai pour l’instant en dire plus mais juste faire une mise au point sur des poncifs récurrents utilisés par les vulgarisateurs de la science. Il se dit que la mécanique quantique décrit l’infiniment petit, que la cosmologie nous place face à l’infiniment grand alors que la biologie concerne l’infiniment complexe. Le conférencier prononce ces belles paroles face à une assemblée de fidèles modernistes avec le sérieux d’un prélat préparant les hosties pour les grenouilles de bénitier. Au lieu de Dieu, on parle de l’infini et le scientifique se pose en ecclésiaste rationnel administrant le culte rationaliste tout en étant habilité à parler de l’infini. Ce qui est infini en vérité, c’est la sottise humaine. Le cosmos n’a rien d’infiniment grand, il est juste étendu. C’est un monde étendu que l’on devine en fait plus complexe qu’on ne le pensait. Le monde vivant est complexe et le monde quantique n’a rien d’infiniment petit car la notion d’espace n’est plus pertinente à ce stade. On ne peut pas qualifier une chose de petite si cette chose ne se mesure pas avec les instruments dimensionnels. Quant à la longueur de Planck, c’est la plus grosse erreur que la physique n’ait jamais inventée. Le monde quantique est lui aussi complexe et révèle les détails d’une matière qui échange de l’information et se présente comme une superposition d’interfaces expressives et réceptives. Bref, la matière à aussi les attributs de la pensée mais à son propre niveau. Et plus généralement, la matière du cosmos possède aussi ces attributs et donc, la théorie du champ étendu de gravitation proposée par Einstein est fausse. Bref, la physique quantique impose de liquider la relativité générale pour bâtir une nouvelle cosmologie qui décrira elle aussi une Gravité mais dans une orientation informationnelle (j’évite de dire entropique car cette notion est galvaudée pour ne pas dire ambiguë et floue).
J’avoue ne pas comprendre comment les physiciens sont restés tant de temps dans l’impasse de la cosmologie quantique alors qu’ils avaient les moyens d’en sortir, surtout après 2000 et les résultats sur la dualité AdS/CFT. Si les deux théories sont inconciliables, une hypothèse mérite d’être envisagée, c’est le sacrifice d’une des deux théories et en l’occurrence la relativité générale. Vous ne saisissez pas encore l’enjeu universel de ce choix. Pour l’expliquer, on peut concevoir un duel entre deux branches des mathématiques toutes deux utilisées en physique, l’algèbre et la géométrie. La physique quantique utilise plus spécialement l’algèbre alors que la relativité générale la géométrie. La bataille entre la physique quantique et la relativité aboutira à la victoire de l’algèbre sur la géométrie ce qui représente le triomphe de la pensée sur l’étendue, entraînant par voie de conséquence l’effondrement du modernisme scientifique et tous les paradigmes qui en découlent, désirs exacerbés, efficacité, maîtrise des choses par l’action matérielle, technique pris comme fin et non comme moyen, relativité, champs, forces, darwinisme, neurosciences matérialistes avec ses sectateurs, de Changeux à Dehaene en passant par les Churchland et autre Dawkins.
Le triomphe de la physique quantique, c’est aussi le retour vers Plotin et la revanche de Platon, la caverne moderniste et matérialiste dynamitée. Derrière les régularités du monde étendu géométrique ont trouve l’ordre algébrique du monde, le principe de l’algèbre étant de reconstituer une figure ou un ordre à partir de composants dotés d’une compossibilité. On retrouve évidemment Leibniz et ses monades mais n’est-ce pas attendu si l’on tente d’expliquer ce que veut bien nous dévoiler la physique quantique avec les nouvelles monades ?
Les virages de la science moderne ne peuvent être déconnectés des enjeux politiques et des réflexions sur le sens de la vie et les finalités offertes à l’homme. Seuls les candides croient que la science est neutre, comme le serait aussi la technique. La chute de la relativité générale représente l’effondrement d’une pièce maîtresse dans ce jeu systémique de domino où d’autres pièces issues de la science et de la philosophie modernes vont chuter. Le modernisme entraîne l’homme vers la perdition et c’est pour cette raison que la bataille de la physique quantique contre la relativité générale présente un intérêt fondamental. Pour ma part, j’ai le souhait de dépasser cette relativité comme d’autres ont voulu détruire la Bastille. Mais comme je n’ai pas les moyens mathématiques, je me contente de prophétiser la fin de la cosmologie d’Einstein en incitant les jeunes physiciens à réfléchir aux options. Juste un conseil. Il faut prévoir deux théories, comme il y a deux matières, ainsi que le pensait Plotin. Le duel entre le quantique et la relativité représente dans une certaine mesure un choix métaphysique entre Plotin et Spinoza mais le lien n’est pas vraiment solide car aucun des deux philosophes ne disposait des connaissances offertes par la physique contemporaine.
Bohr avait cru bon d’établir des correspondances pour souder les deux physiques, quantique et classique. Einstein avait appuyé là où ça fait mal avec le paradoxe EPR, croyant mettre en défaut la mécanique quantique. Mais il ne savait pas que le fameux paradoxe finirait par se retourner contre l’auteur et signer la perte de la relativité générale. Trois décennies plus tard furent publiées les inégalités de Bell, suivie deux décennies plus tard par les expériences d’Alain Aspect et le verdict des physiciens qui n’ont pas eu besoin de se réunir en concile. La mécanique quantique a résisté aux tests. C’est cette interprétation que je conteste en partie car ce qui s’est dessiné, c’est la nécessité d’élaborer une nouvelle cosmologie. Les expériences d’Aspect et tout ce qui relève de l’intrication quantique imposent de revoir la cosmologie relativiste. C’est ce qui transparaît à travers mes recherches sur la cosmonadologie quantique et que les nouvelles générations de physiciens vont découvrir. Une nouvelle cosmologie est en vue, sans doute avec deux théories complémentaires mais nécessaires pour une description complète de la Nature.
Pour résumer avec un peu de provocation, la physique quantique impose de refonder une cosmologie en repartant pratiquement à zéro. Tout va bien se passer et ne soyez pas aveugles, la relativité générale va être remplacée, ce n’est pas un drame. Vous n’avez aucune chance, la physique quantique va l’emporter. Il n’y a pas de matière noire, ni d’énergie sombre, ni de trous noirs, ni de big bang. Toutes ces choses ont été utiles pour réfléchir à une époque mais elles n’existent pas et la cosmologie actuelle n’est pas plus solide que la vision du cosmos que défendaient les théologiens face à Galilée.
Ces propos venant d’un philosophe ne seront pas pris au sérieux. Pourtant, je suis presque certain d’être dans la bonne voie et d’avoir suffisamment de cartes pour jouer cette partie de poker stratosphérique. Il manque d’autres cartes importantes, surtout des formules mathématiques. Je ne sais pas quelle stratégie employer. S’il en est qui veulent s’associer à ce projet ou le soutenir, ils seront les bienvenus. Il est crucial à notre époque de faire sauter les obstacles de la science moderniste pour laisser germer les promesses d’une divine civilisation à venir avec les connaissances inédites sur la Nature et le grand paradigme de l’Information. Pour les connaisseurs de l’œuvre de Leo Strauss, ce sera, disons, la victoire de Platon sur Thucydide… à bon entendeur !