Ce ne sera donc pas forcément « bye bye Bibi », comme certains l’espéraient. Pas sûr que la paix y gagnera, mais la démocratie, elle, est bien là.
Oui, Israël est une démocratie, et il faut bien reconnaître que c’est assez rare dans la région ; entre une Autorité palestinienne et un Liban à l’assiduité électorale incertaine, une Syrie, une Jordanie et une Égypte où la sincérité des élections reste plus que sujet à caution, et d’autres pays pas très gâtés par les libertés politiques, Israël fait figure d’électron libre privilégié de la démocratie au Proche-Orient.
Un peu plus de 4 millions d’électeurs ont voté en Israël sur un total de 5,9 millions d’inscrits, soit une participation de 68,4%. Les lendemains d’élections sont toujours assez crispants en Israël. Les élections législatives du 17 mars 2015 sont ainsi fidèles à la tradition, la confusion.
D’abord, au décomptage des bulletins, une sorte de coude à coude entre le Likoud (parti de droite) et la coalition de centre gauche menée par Isaac Herzog (54 ans), chef de l’opposition et président du Parti travailliste depuis le 22 novembre 2013 (allié à Tzipi Livni du Kadima).
Puis, une nette avance du Likoud (qui aurait 23,3% des voix), contre toute prévision puisqu’il était question d’une défaite du Premier Ministre sortant Benyamin Netanyahou (65 ans), à la tête du gouvernement israélien du 18 juin 1996 au 6 juillet 1999 et depuis le 31 mars 2009. Tous les résultats sont donnés à titre indicatif, les résultats officiels ne devraient pas être proclamés avant le 19 mars 2015.
Mais cette surprise serait à tempérer puisque le Likoud, avec 30 sièges sur 120, malgré son gain de 12 sièges, serait loin d’avoir la majorité absolue à la Knesset. L’Union sioniste (la coalition de centre gauche d’Isaac Herzog) ne ferait finalement que 18,7% et n’obtiendrait que 24 sièges. Benyamin Netanyahou aurait donc des chances de rester Premier Ministre même si rien n’est joué. La position de son ancien ministre Moshe Kahlon (54 ans), qui gagnerait 10 sièges (avec 7,4% des voix) sera évidemment déterminante.
En effet, l’absence de parti majoritaire nécessite une coalition gouvernementale, elle peut se faire soit en s’alliant avec des partis extrémistes ou populistes qui font de la surenchère, soit, comme le demande maintenant le Président de l’État d’Israël, Reuven Rivlin (en fonction depuis le 24 juillet 2014, successeur de Shimon Peres), en faisant comme en Allemagne avec Angela Merkel, un gouvernement d’unité nationale, une grande coalition qui a déjà été réalisée en Israël en 1984. Benyamin Netanyahou l’a proposée à Isaac Herzog qui l’a refusée.
La vie politique israélienne est particulièrement complexe (plus que la politique italienne ou belge) et provient en partie d’une population très hétéroclite, issue de plusieurs vagues migratoires. De plus, le scrutin proportionnel fait exploser en mosaïque éclatée la représentation politique, en empêchant l’élection d’un bloc majoritaire monolithique et rend le pays difficilement gouvernable. Heureusement que la France n’a pas ce mode de scrutin. Et encore ! La Knesset avait voté le 11 mars 2014 un rehaussement du seuil pour avoir des élus, de 2% à 3,25%.
Mais au moins, au contraire de ses voisins, Israël est une démocratie, réelle, vivante, avec ses défauts, les surenchères électoralistes et la démagogie. La fréquence des élections nationales est d’environ trois ans depuis plus d’une quinzaine d’années, ce qui est remarquable. Comparons depuis 1999. Il y a eu sept élections nationales majeures en Israël : le 17 mai 1999, le 6 février 2001, le 28 janvier 2003, le 28 mars 2006, le 10 février 2009, le 22 janvier 2013 et le 17 mars 2015. Et il n’y a eu que trois élections nationales majeures en France pendant la même période de seize ans : printemps 2002, printemps 2007 et printemps 2012 (je couple présidentielle et législatives).
En France, depuis que l’institution du quinquennat, et surtout la simultanéité de l’élection présidentielle et des élections législatives, la fréquence est passée à cinq ans (ce qui était rare à l’époque du septennat sauf lors de dissolution au début du mandat comme en 1981 et en 1988). De plus, les deux outils constitutionnels d’appel au peuple ont été cassés après des conséquences politiques désastreuses pour le Président de la République qui les a utilisés les deux dernières fois : la dissolution du 21 avril 1997 et le référendum du 29 mai 2005. En ce sens, Jacques Chirac a été le « fossoyeur » du retour fréquent aux urnes au contraire d’un De Gaulle malgré un mandat plus long. Il serait nécessaire en France, pour appeler le peuple à se prononcer plus souvent, de dissocier de nouveau les élections présidentielle et législatives en changeant la durée des mandats associés. Comme il serait difficile de revenir au septennat car sept ans sont devenus une période bien trop longue à l’heure des textos et des tweets, peut-être faudrait-il alors songer à réduire la durée du mandat des députés ?
Mais les enjeux politiques en Israël sont bien plus graves qu’en France puisqu’il s’agit de l’intégrité même du pays et de la sécurité de ses habitants dont il est question à chaque élection israélienne.
Ariel Sharon avait compris, certes tardivement, que l’intérêt du peuple israélien passait par deux États séparés et sécurisés, car il avait compris que la démographie désavantagerait à terme les Israéliens. Les partis arabes sont devenus la troisième force politique en Israël et il y a des chances que cette progression se poursuive dans les années à venir. La liste arabe unifiée (dont Hadash) aurait 14 sièges avec 11,0% des voix.
Il est clair que, malgré des institutions très démocratiques (trop, même si l’on en juge par l’efficacité politique), il manque cruellement une personnalité de grande valeur, de la stature d’un Yitzhak Rabin, d’un Ariel Sharon ou même d’un Shimon Peres, pour enfin régler définitivement le conflit israélo-palestinien par la reconnaissance d’un État palestinien, la reconnaissance réciproque de la sécurité d’Israël et la création d’un statut international original de Jérusalem. Et il faut bien une personnalité hors du commun pour pouvoir l’imposer à une population qui, à court terme, est restée très rétive à tout compromis et surtout, à toute concession.