J’avais eu l’occasion de vous faire part en 2010 du fauchage d’une parcelle de plants de vigne transgéniques plantés par l’INRA, Institut National de la Recherche Agronomique,dans la région de Colmar pour lutter contre la maladie dite du « court noué » qui affecte particulièrement le vignoble d’Alsace et que l’on ne sait pas soigner. Elle résulte apparemment de l’attaque des plants de vignes par un virus porté par des petits vers microscopiques du sol appellés nématodes. L’Inra qui travaille à trouver une solution à cette maladie n’avait apparemment pas trouvé d’autre solution que de modifier génétiquement les porte greffes et avait mis en place cet essai en culture avec autorisation ministérielle officielle.
Les dit faucheurs, dans une opération nationale organisée, ont donc détruit les dits plants et les quelques années de recherche qui vont avec. L’Inra a porté plainte et les 54 faucheurs avaient été condamnés en première instance en octobre 2011 à deux mois de prison avec sursis et une amende de 1200 euros pour 6 d’entre eux considérés comme récidivistes.
L’affaire vient de passer en appel à la Cour d’Appel de Colmar qui, à la surprise générale,a décidé de relaxer les faucheurs au motif que l’Etat n’aurait jamais du autoriser cet essai. L’autorisation ministérielle a été jugée « illégale » en raison d’« une erreur manifeste d’appréciation des risques inhérents » à l’expérience. On se demande comment des juges qui ont fait des études de droit fort éloignées des études de biologie, ont ainsi pu s’ériger en juges des docteurs en biologie spécialistes de la génétique qui ont depuis des années travaillés sur ces sujets et ont défini les conditions de cet essai.J’avais eu l’occasion dans un ancien article de vous faire part de la tendance dans notre société à mépriser, voire ignorer les « sachants » au profit des « disants », ceux qui ne savent rien mais qui parlent. En voiçi un exemple patent.
Les principaux organismes de recherche publics de France se sont élevés immédiatement lundi contre cette relaxe.Et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) , l’ANR,( Agence nationale de la recherche), l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) ou l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) ont publié conjointement une tribune pour « exprimer [leur]total soutien à l’INRA, et [leur]inquiétude forte face aux conséquences de cette décision de justice.La révolte des sachants en quelque sorte !
Le parquet général de Colmar lui s’est pourvu en Cassation ce qui donnera à la plus haute institution juridique de France l’occasion de se prononcer sur cette prise de pouvoir des disants au détriment des sachants.
Ceci dit , je vous en parle, non pas sur le fond du débat entre scientifiques partisans de tels essais et écologistes qui sont contre sans raisons scientifiques, mais parce qu’un tel jugement a aussi comme conséquence de légitimer les actions de ces faucheurs. L’une d’entre elles,immediate,a été la destruction d’une plantation d’un millier d’arbres fruitiers qui a fait l’objet de reportages à la télévision. D’après quels tracts laissés sur place ce serait pour protester contre l’utilisation des pesticides dans l’agriculture. Voila qui confirme la nocivité sur des esprits faibles et sans savoir d’une telle position permissive des juges.
Il serait peut être utile, si ce n’est pas déjà le cas, que l’on apprenne dans leurs écoles aux futurs juges les limites de leur pouvoir et de leur savoir et les conséquences de leurs jugements sur la bonne marche de la société.