C’est en début d’été que l’annonce a été faite sur le site du projet GLPI. Le titre de la brève est énigmatique : Une nouvelle vie pour GLPI.
Je suis utilisateur de ce logiciel de gestion de parc informatique depuis de nombreuses années. Tout d’abord alors que j’étais responsable informatique et aujourd’hui encore pour gérer le support de mes clients.
C’est désormais, l’entreprise TECLIB qui va assurer la vie et l’évolution du projet GLPI. Partenaire historique du projet, TECLIB est le plus à même techniquement et philosophiquement de garantir la croissance du projet GLPI tout en préservant sa communauté d’utilisateurs et son modèle sous licence libre.
Une nouvelle passée relativement inaperçue il me semble durant l’été. Pourtant elle devrait susciter quelques réflexions et débats. Tout d’abord les raisons qui ont motivé cette passation :
Toutefois alors que la communauté d’utilisateurs grandissait de façon exponentielle, l’équipe des contributeurs est restée stable et s’est même réduite au fil des nouvelles aspirations légitimes de ses membres. De la même manière, les ressources dont dispose l’association sont restées trop limitées pour permettre la professionnalisation/salarisation des développeurs que nous espérions.
Ce changement ne pouvait manquer de m’interpeller et pour bien en comprendre les tenants et aboutissants. J’ai contacté Pascal Aubry qui dirige la société de services informatique spécialisée en logiciels libres et open source TECLIB.
Pour ce dernier joint par téléphone, il n’y a pas de changement dans la gouvernance du projet qui reste communautaire. Le logiciel reste sous sa licence actuelle et le restera. C’est cependant TECLIB qui assurera désormais le pilotage du projet en remplacement de l’association Indepnet. TECLIB compte investir de façon significative dans le développement de GLPI et proposer une offre de support. L’objectif est clairement de faire de GLPI un projet d’envergure internationale. De fait TECLIB se positionne comme un éditeur de logiciel libre vis-à-vis de GLPI.
Ce modèle économique de l’éditeur est devenu incontournable aujourd’hui dans le monde du logiciel libre professionnel. Il complète les fondations de type industriel comme Linux, Apache, Eclipse, The Document Foundation ou OpenStack par exemple. Il reste bien sûr encore des logiciels libres dont la gouvernance est et le pilotage est assuré par une association. Je donnerais comme exemple type Dolibarr. J’ai longtemps tenu à défendre cette approche. Force est de constater que le comportement des utilisateurs professionnels et leur utilisation souvent « à sens unique » ne permet pas à ce modèle de se développer efficacement.
Pour avoir une vision « de l’intérieur » du projet, Jean-Mathieu Doléans et Julien Dombre, respectivement fondateur du projet GLPI et responsable du développement, ont bien voulu répondre à quelques questions :
Philippe : Ma principale question est la suivante. J’ai bien compris qu’il y avait un problème sur la contribution autour du projet et sur la capacité à transformer GLPI en un projet d’envergure internationale. Le passage du projet ente les mains d’une entreprise prenant le statut d’éditeur était-il le seul scénario envisageable ?Jean-Mathieu et Julien : Sans doute non. Maintenant c’est celui qui nous a paru le plus viable à terme. Nous ne souhaitions pas conserver le modèle associatif. A l’issu de ces 13 années de labeurs, même si nous ne regrettons rien, nous sommes totalement épuisés par cette expérience.
Par ailleurs, nous souhaitions donner à GLPI toutes les chances de se développer à la hauteur des attentes de ses utilisateurs et des ambitions que nous avions pour ce projet.
Teclib n’aurait-il pas pu assurer cette position tout en conservant la gestion de GLPI au sein de l’association ?
J-M et J : Cela semble difficilement viable avec l’association actuelle. Il aurait fallu changer complètement les statuts et par ailleurs GLPI n’est pas le seul objet de l’association. Mais l’un n’empêche pas l’autre. Selon nous, Teclib peut tout à fait organiser une nouvelle gouvernance sur la base d’une association ou d’un consortium. Cela dépendra de l’implication des contributeurs.
Ou bien était-ce nécessaire pour assurer la « crédibilité » de GLPI vis-à-vis des entreprises utilisatrices ?
J-M et J : Ce n’est pas qu’une question de crédibilité, c’est d’abord une question d’objet et par extension de moyens. Le véhicule associatif nous semble difficile à faire vivre sur le long terme pour un logiciel métier qui n’est pas grand public.
Le véhicule associatif ne permet pas de réaliser de prestations et donc ne permet pas d’obtenir des moyens proportionnels. Le niveau de financement est limité aux cotisations et aux dons.
Question sous-jacente, le modèle associatif est-il encore crédible pour développer le logiciel libre et le promouvoir auprès des acteurs professionnels ? En dehors d’exemple comme Dolibarr, The Document Foundation ou Mozilla, ils sont de plus en plus rares et parfois en difficulté (je pense à Mozilla qui annonce repartir de zéro…).
J-M et J : Nous pensons que le modèle est viable si le logiciel est grand public, si l’applicatif est suffisamment attractif techniquement et fonctionnellement pour mobiliser des développeurs bénévoles et pour obtenir suffisamment de dons pour financer des développeurs salariés.
La nouvelle organisation positionne Teclib en quasi-situation de monopole sur le support même si dans les faits rien n’empêche qui que ce soit de proposer une offre de support concurrente. Si je prends ma casquette d’intégrateur de solutions à base de logiciel libre, cela est intéressant de pouvoir se reposer sur un support de niveau 2 afin de se concentrer sur la mise en place de l’outil et son paramétrage sans pour autant connaître GLPI de façon approfondie. Je suppose que ce point a été « accepté » par la communauté ?
J-M et J : Il n’y a pas de monopole en logiciel libre. Chacun peut s’il le souhaite forker et maintenir sa propre version, et ce pour des raisons techniques, idéologiques, financières, commerciales ou autre. Maintenant, nous avons souhaité éviter les dispersions des forces alors que c’est la cause même du changement de véhicule en signalant clairement notre soutien à une structure qui d’une part possède un véritable historique sur le projet et d’autre part nous semble réunir les conditions techniques, philosophiques, etc. pour prendre soin du projet et de sa communauté.
Teclib souhaite se recentrer sur une fonction d’éditeur et donc de support niveau 3 mais elle a la volonté de conserver une logique communautaire au développement de la solution. En parallèle, elle souhaite développer fortement un réseau de partenaires intégrateurs. Le développement reste ouvert et il y a du travail pour tout le monde.
Sur l’acceptation par la communauté de cette situation, la très grande majorité a d’abord salué notre travail et notre implication et a respecté notre choix. Nous n’avons eu que deux réactions négatives d’anciens partenaires. Ces réactions étaient plus liées à une démarche irréfléchie qu’à une opposition de principe. Nous avons rappelé que le projet a d’abord des utilisateurs et non des clients et que les problématiques de stratégie commerciale n’entraient pas en ligne de compte.
Encore merci pour le temps consacré à mes questions !