FN : tuer le père

Tout Jean-Marie Le Pen est là : provocateur, outrancier, pernicieux. En qualifiant à nouveau les chambres à gaz de « détail de l’histoire », le président d’honneur du Front national a tenté un coup médiatique dont lui seul a le secret. Cataclysmique et désolant. Que sa fille s’échine à gommer les aspérités à la tête du mouvement frontiste, il n’en a cure. Lui préfère enfoncer la dague, le verbe haut et la sentence trouble. Ses assertions, excessives et fallacieuses, effeuillent le lepénisme comme une couronne de chêne, révélant en plein jour sa substance première, sulfureuse et xénophobe, amarrée au choc des civilisations et à l’essentialisme.

L’homme a beau être à son couchant, ses déclarations intempestives sonnent comme un travail de sape. Elles mettent à mal la stratégie de dédiabolisation amorcée en haut lieu, brouillent l’image du FN et court-circuitent son message électoral. Fier comme Artaban, fidèle à ses habitudes, Jean-Marie Le Pen réveille des démons endormis et réouvre des plaies en voie de cautérisation. À chaque déclaration son sens profond : inégalité des races, négation de la Shoah, stigmatisation des Roms et des musulmans… Nombreuses et inénarrables sont les dérives du patriarche, débitées avec l’autorité de la suffisance.

Les luttes intestines en cours au FN feraient presque passer le duel Balladur-Chirac pour une promenade de santé. On prend ses distances, on ostracise, on désavoue. Les injures que s’échangent sur Twitter le père Le Pen et le député frontiste Gilbert Collard n’auraient pas voix au sein d’un mouvement apaisé. Le président d’honneur méprise et abhorre le nouveau Front national, édulcoré et présidentiable. C’est un peu comme si l’on avait cassé son jouet, réfréné son élan raciste et mal-pensant. Pourtant, n’en déplaise au très médiatique Florian Philippot, l’extrême droite française demeure infréquentable, calculatrice, populiste et à courte vue. La popularité de Marion Maréchal-Le Pen est un premier indicateur quant aux dogmes y ayant force de loi.

Si elle veut poursuivre la réhabilitation spécieuse de son parti, Marine Le Pen devra impérativement tuer le père et cacher la frange la plus radicale de son mouvement sous le tapis de la respectabilité républicaine. Pour l’heure, des vents contraires soufflent sur le Front national, qui vacille sur ses bases comme une girouette, laissant les masques craquer et les apparences se dérober. Il n’y aura sans doute pas de reddition sans condition, et certains grincheux risquent d’éructer encore longtemps à l’ombre des postures lénifiantes et des figures sédatives. Quitte à jeter un voile de lumière dans la pénombre du marketing politique.

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