Entre Dijsselbloem et Varoufákis, la violence est restée verbale

Dans une interview au «Financial Times», le président de l’Eurogroupe dément tout heurt physique entre lui et le ministre grec. Ce que je n’ai jamais prétendu.

Aurais-je inventé une altercation entre Yánis Varoufákis, le ministre grec des Finances, et son homologue néerlandais, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem ? Dans un entretien publié ce lundi dans le Financial Times [abonnés], mon confrère Peter Spiegel lui demande : «des articles ont raconté qu’il y a eu des problèmes personnels entre vous et Vároufakis». Et celui-ci de répondre : «j’ai même lu que nous avions eu une lutte, une (altercation) physique [a fight, a physical altercation]. C’est totalement faux.» Et de poursuivre : «le fait est que j’ai dû le pousser vers une solution, ce qui est mon travail. Comme j’ai dû aussi pousser d’autres ministres qui sont aussi difficiles et têtus. Vous devez le faire et parfois cela met les gens en colère, mais c’est OK dès lors qu’on atteint un résultat.»

(Photo Emmanuel Dunand. AFP)

Peter Spiegel faisait référence à mon article publié dans Libération du 18 février, qui racontait les coulisses de l’Eurogroupe (réunissant les 19 ministres des Finances de la zone euro) du lundi 16 février dans une atmosphère de tension extrême.

Pour mémoire, voici le début de l’article:

«Menteur !» hurle Yánis Varoufákis, fou de rage. Jeroen Dijsselbloem, habitué à la courtoisie qui règne habituellement au sein du club des ministres des Finances de la zone euro, est livide. Le Néerlandais, président de l’Eurogroupe, paraît bien fragile face au massif ministre grec des Finances au physique à la Bruce Willis. «C’était incroyable. On a vraiment cru qu’ils allaient en venir aux mains», raconte un témoin de la scène. Elle a eu lieu lundi après-midi, avant le début de l’Eurogroupe, qui s’est achevé par un ultimatum en bonne et due forme : la Grèce a une semaine pour accepter les conditions de ses bailleurs de fonds ou elle devra se débrouiller seule avec le risque d’une faillite.

Ce qui ressemble à un démenti de Dijsselbloem fait suite à celui déjà opposé à mon article par Varoufákis. Aussitôt, certains des soutiens de Syriza, le parti de gauche radicale au pouvoir en Grèce, ont vu là la confirmation que Libération et moi-même menions une campagne de désinformation visant à décrédibiliser le gouvernement d’Aléxis Tsípras. Ce qui est évidemment totalement faux. Mais, problème, les deux hommes ne parlent pas français et ont manifestement mal compris mon papier, ou sans doute ont fait semblant de l’avoir mal compris.

Car vous remarquerez qu’il n’est nulle part fait mention d’une «altercation» ou d’une «lutte physique», mais bien d’une forte tension entre les deux hommes, l’un s’estimant trahi par le second et le traitant de «menteur». L’un des témoins de la scène, car il n’y avait pas que les deux hommes dans la pièce, traduit l’atmosphère qui régnait dans ce club habituellement très policé : «c’était incroyable. On a vraiment cru qu’ils allaient en venir aux mains.» Mais évidemment, on n’est pas dans la rue et les ministres des Finances ne sont pas des voyous de bas étage : je vous confirme qu’aucune claque n’a été donnée pas plus qu’aucun coup de tête…

D’ailleurs, Dijsselbloem, honnête, confirme bien dans l’interview au FTque les négociations ont été très tendues, puisque il y a eu des manifestations de «colère» («angry»). Traiter son interlocuteur de «menteur», c’est une manifestation de colère. Je confirme d’ailleurs la totalité de mes informations qui ont été recueillies aux meilleures sources, et ce, en dépit de ce «démenti» biaisé… J’ai d’ailleurs adressé un tweet à Jeroen Dijsselbloem lui expliquant que je n’avais jamais prétendu qu’il y avait eu une «altercation physique», tweet auquel il n’a pas répondu.

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