Elections départementales de mars ou l’enterrement de la réforme administrative par François Hollande…

Départements de France.

Le 18 janvier 2014, lors de ses vœux dans la ville de Tulle, François Hollande prononçait un discours centré sur la ruralité et l’aménagement du territoire : » L’organisation administrative est devenue trop compliquée, trop lourde, trop coûteuse. Il en faut finir. «

Depuis, au lieu d’en finir avec les départements, pris en étau entre le développement des structures intercommunales et les régions, le président de la République a préféré les pérenniser en organisant de nouvelles élections départementales dans des cantons remodelés et agrandis…

La France compte aujourd’hui 6 strates administratives : état, régions, départements, intercommunalités, métropoles, communes et même 7 strates si l’on y ajoute l’échelon européen alors que la plupart des pays en comptent beaucoup moins, par exemple 3 strates seulement aux Etats-Unis !

Le département est une division administrative, mise en place sous la Révolution française le 15 janvier 1790. A l’époque, l’objectif était de remplacer les provinces liées à l’Ancien régime et de casser tout provincialisme. Et afin que l’autorité administrative soit rapidement informée de ce qui se passait à l’autre bout du département, un émissaire à cheval devait pouvoir atteindre n’importe quelle zone du territoire en une seule journée de voyage. C’est pourquoi leurs superficies sont aujourd’hui très proches.

Au nombre de 96 pour la métropole et 4 pour l’Outre Mer, ils se trouvent dotés d’un préfet, d’une préfecture et de son administration, du Conseil général, appelé maintenant Conseil départemental et de son personnel de gestion. Le législateur ne s’est pas contenté d’en rester là et les départements se subdivisent encore en cantons, arrondissements et pays…

Aucun gouvernement n’a eu le courage de réduire le mille-feuille administratif

La question de la suppression des départements trotte dans les esprits depuis longtemps. En 1982, lors du lancement de la décentralisation, la région est devenue, par la loi du 2 mars, une véritable collectivité. Pierre Mauroy et Gaston Defferre auraient alors volontiers envisagé de supprimer les départements mais François Mitterrand s’y est fermement opposé…

En 1995, la loi Pasqua a introduit la notion de « pays », bassin de vie et d’activité plus réaliste que le département technocratique mais le pays n’a gagné aucune compétence juridique et les départements ont été conservés… En 2002, Jean-Pierre Raffarin initia «l’acte 2 de la décentralisation» et commença par esquisser l’idée que l’armature territoriale française devait reposer sur le couple Etat-Région, développant ainsi les propos tenus par Jacques Chirac dans un discours tenu à Rennes d’où il ressortait qu’il y avait trop de collectivités locales en France. En 2008, la commission pour la libération de la croissance, dite «commission Attali», avait fait 316 propositions parmi lesquelles la disparition progressive de l’échelon départemental pour éviter des gaspillages financiers énormes et améliorer l’efficacité de la gestion publique.

En 2010, proposée à Nicolas Sarkozy, via la commission Balladur, cette suppression intéressa fort l’ancien Président mais devant l’opposition des élus locaux, y compris de l’UMP, il se contenta seulement de créer le conseiller territorial. Ce nouvel élu devait être, à partir de 2014, une même personne élue à la fois au Conseil général et au Conseil régional. Ceci correspondait à une fusion des élections des représentants de la région et du département, modification décidée dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales et la loi du 16 décembre 2010.

En 2012, ce timide pas en avant a été cependant remis en cause par le gouvernement de François Hollande qui a déposé un projet de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial et qui modifie plusieurs dispositions du code électoral : le principe de la désignation de binômes homme-femme aux élections départementales, la division par deux du nombre des cantons (ramené de 3971 à 2054) et le report après 2014 des élections départementales et régionales.

Et en 2015, la France fidèle à ses principes de bric et de broc organisera des élections départementales (ex cantonales) dans des conditions ubuesques : les habitants de la Métropole Lyonnnaise, de Paris, de la Guyanne, de la Martinique ne voteront pas et la loi sur les compétences respectives entre départements et régions n’est pas toujours pas votée au parlement !

Si de nombreux élus de gauche ou de droite pointent bien les anomalies flagrantes de l’organisation politico-administrative de la France, ils ne vont pas jusqu’à remettre en cause l’échelon départemental, très coûteux pour les contribuables.

L’argument fallacieux que l’on entend le plus souvent est que si l’on supprime le département, il n’y aura plus de politique de proximité avec les citoyens. Or, la région pourrait se voir dévolue toutes les compétences exercées par le conseil départemental, des permanences et points relais pouvant être installés aisément dans chaque département ou grande ville pour répondre justement au problème de la proximité avec les citoyens.

Seules quelques rares personnalités politiques se sont prononcées pour leur suppression. C’est le cas notamment de François Bayrou qui a précisé que le personnel des conseils généraux pouvait être intégré progressivement au personnel de la région. Quant à René Dosière, député apparenté PS, il a estimé que la réduction du mille-feuille administratif et un regroupement des communes et des intercommunalités permettrait d’économiser 15 milliards d’euros !

Mais le lobby des présidents de départements est très puissant et dispose de plusieurs relais, notamment au Sénat où élus de gauche et de droite se sont entendues pour que les conseillers départementaux conservent le plus longtemps possible leurs prérogatives et les petits avantages matériels et pécuniers y afférents…

Finalement François Hollande n’aura pas été plus courageux que son prédécesseur pour supprimer cette division administrative, conçue il y a plus de 200 ans… Photo Creative Commons par Yahoo Images

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