L’Etat, grand promoteur de l’expansion sans fin des fonctions publiques ( Etat,collectivités territoriales et hospitalières) s’interroge pourtant de temps en temps sur ses effectifs et de ses coûts de fonctionnement pour s’apercevoir généralement qu’il ne dispose pas des éléments statistiques et chiffrés qui lui seraient nécessaires pour démarrer des réflexions et des études sur la rationalisation de son outil industriel.
Car ce sont bien ces administrations qui sont en quelque sorte l’outil industriel de l’Etat,à ceci près que l’on n’en connait ni le coût ni la compétitivité par rapport à celles des autres pays développés européens. Et l’Etat de prendre donc parfois des décisions stupides sans études préalables sérieuses comme celle de la suppression du fameux jour de carence chez les fonctionnaires dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle a eu des effets délétères.
En différentes circonstances, tels ou tels de nos responsables politiques essayèrent bien de faire faire une enquête sérieuse sur les effectifs en faisant appel éventuellement à la Cour des Comptes. Ce fut le cas de Lionel Jospin et du Conseiller à la Cour des Comptes Jacques Roché dont le rapport, en 1999, fit des révélations dérangeantes sur le temps de travail de nos fonctionnaires. il releva l’extrême disparité des temps de travail à l’intérieur d’un même ministère, et entre ministères. De 29 à 39 à la Culture, de 30 à 39 à la justice etc. De même, il lui fut quasi impossible de comptabiliser les absences autorisées pour différentes raisons, mandat politique ou syndical, autorisations d’absence collectives, temps de pauses,temps d’habillage, congés départementaux ou jour du Président.Bref personne et surtout pas le Ministre ne sait de combien de fonctionnaires il dispose et de combien d’heures de travail effectives ils réalisent .
Rappelons également que l’on eu la surprise, à l’occasion de la mise en place des 35 hrs, de s’apercevoir que nos fonctionnaires travaillaient plutôt 32 heures que 35! J’avais eu l’occasion de signaler qu’il manquait dans le dispositif de la haute administration un vrai DRH qui puisse établir une base de l’existant , établir un code du travail interne harmonisé et d’en suivre les exécutions effectives.Toutes les grandes sociétés privées fonctionnent avec un cadre supérieur de haut niveau qui gère les questions de Ressources Humaines. Il est étonnant que l’Etat qui est le plus gros employeur du pays n’ait pas jugé utile d’en faire autant. Il est vrai que ce sont les syndicats qui sont considérés comme les vrais gérants de ces questions face à un Ministre qui n’en peut mai…
Pas étonnant, dans ces conditions que Manuel Valls vienne de décider de lancer à la mi-juillet une évaluation sur le temps de travail des fonctionnaires qui a été confié , curieusement, à un député UDI, Maire de Sceaux, Philippe Laurent. qui est également le Président du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale. Attendons patiemment les résultats de cette étude supplémentaire….
On a donc abordé la grande détresse dans laquelle se trouve notre gouvernement du fait qu’il n’existe aucune gestion sérieuse des effectifs ni des heures effectivement travaillées dans la fonction publique et que donc il devient impossible de juger de l’efficacité de notre administration si on ne sait qui y travaille effectivement et dans quel secteur, et combien d’heures ils y travaillent. Et si donc il est impossible de connaitre effectifs et horaires de travail secteur par secteur, il devient impossible de revoir l’organisation de l’outil industriel dont dispose l’Etat pour accomplir ses taches, de ses comparer aux équivalents des autres pays industriel de l’Union et de pouvoir rebalancer tel secteur au profil de tel autre en fonction de leurs évolutions respectives.
J’ai cru comprendre que c’est cette constatation qui aurait un tant soit peu énervé notre Premier Ministre et qui l’ont amené à charger un député, Philippe Laurent,pour évaluer les temps de travail dans l’administration. Mission immédiatement recadrée par Marylise Lebranchu, Ministre de la Fonction Publique, qui a précisé aux syndicats que le but de cette mission était de « tordre le cou aux discours selon lesquels les agents ne foutent rien ». C’est dire combien la mission va être délicate à mener.Bon courage Monsieur Laurent.
Dans le même temps paraissait un rapport de l’assureur Sofaxis ciblé sur la fonction publique territoriale et l’impact du jour de carence( premier jour d’arrêt maladie non payé par l’employeur), mis en place par le gouvernement Fillon à partir du 1er Janvier 2012 et abrogé par le gouvernement Ayrault au 1er Janvier 2014. Rapport dans lequel apparaissent des statistiques intéressantes sur la productivité de cette fonction publique.
On y voit que le nombre d’arrêt de travail pour maladie qui était d’une soixantaine de jours par an pour 100 agents avant l’institution du jour de carence, avait baissé d’une dizaine de jours dans la période du jour de carence 2012/23 avant de remonter en 2014 de 5/6 jours de plus.
Même tendance sur le pourcentage d’agents absent qui est revenu au niveau de 30 pct d’agents absents au moins une fois par semaine (!!!)
Et enfin la durée moyenne d’arrêt n’arrête pas de monter depuis 5 ans pour atteindre 22/23 jours par arrêt.
Il semble évident que l’institution du jour de carence avait eu un effet positif sur l’absentéisme dans la fonction publique et que sa suppression a relancé cet absentéisme mais la leçon la plus importante est de quantifier cet absentéisme qui est tout bonnement énorme. Toute société privée soumise à un tel absentéisme aurait fait faillite en deux ans
Le rapport fait ensuite le calcul du coût de cet absentéisme par employé qui se monte au global à 1751€ par agent et par an, tous type d’arrêts confondus ce qui veut dire qu’au niveau d’une mairie moyenne de 220 agents, il en coute 380 000 euros par an, d’une intercommunalité de l’ordre du million d’euros, d’un département de 5 millions d’euros et d’une région de la taille actuelle 6 millions d’euros pour 6500 agents
Le tableau n’est pas très différent pour les autres fonctions publiques, hospitalière ou d’Etat. On tourne toujours aux alentours des 20 pct (Hospitalière) au 30 pct (Etat) d’agents absents tous les jours.
Vous comprenez pourquoi notre Premier Ministre, sous la pression de Bruxelles, s’intéresse (enfin) à la productivité de ses services! S’il avait lu les rapports de la Cour des Comptes, ou s’il avait joué son rôle de Patron opérationnel de la structure d’Etat, il aurait pu réagir bien plus tôt.