Le budget 2015 ne convainc pas Bruxelles et cherche désespérément une issue de secours. Une fois de plus la France ne devrait pas respecter ses obligations budgétaires et peine à trouver une solution…
Ce sera même le dernier pays à atteindre cet objectif. On comprend dès lors l’agacement, c’est une litote, de la Commission et des États de la zone euro, d’autant que Paris a activement collaboré à la mise en place des plans d’austérité imposés aux pays qui ont frôlé le défaut de paiement au plus fort de la crise de la zone euro et a été l’un des maitres d’œuvre du renforcement de la gouvernance économique et budgétaire… Vendredi, Jeroen Dijsselbloem, le ministre des finances néerlandais et président de l’Eurogroupe (qui réunit les grands argentiers de la zone euro), a haussé brutalement le ton : « on a donné deux ans (aux Français). La question est : comment ont-ils utilisé ce temps ? Pour être franc, je crois qu’ils ne l’ont pas utilisé »… Hier, Jens Weidmann, le président de la Bundesbank et ancien conseiller d’Angela Merkel, la chancelière allemande, a sorti à son tour le bazooka en appelant à sanctionner la France. Sinon, « la crédibilité des règles (européennes) serait sérieusement entamée ».
C’est pour en éviter d’arriver là que la Commission a multiplié les signaux dès le 1er octobre, date de publication du budget français. Contacts entre les services bruxellois et la direction du Trésor, appels téléphoniques entre les cabinets des présidents sortant (José Manuel Durao Barroso) et entrant (Jean-Claude Juncker) et celui de Michel Sapin, messages envoyés via les médias et, enfin, discussions entre Pierre Moscovici, le futur commissaire aux affaires économiques et financières, et le chef de l’État, le 7 octobre, puis entre Barroso et Hollande en marge du sommet européen sur l’emploi qui a eu lieu à Milan le 8 octobre.
« Le président n’entre pas dans les détails techniques qui relèvent du ministère des Finances. Il se concentre sur les questions macro-économiques, un débat qui a en fait commencé lors du conseil européen du 30 août », explique-t-on à l’Élysée : « l’inflation particulièrement basse, qui a effacé le bénéfice du gel des salaires et des prestations, et le ralentissement de la croissance ont profondément modifié le paysage en quelques mois ». On en veut pour preuve le discours de Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), le 22 août à Jackson Hole aux États-Unis, qui a appelé à sortir du tout austérité, la politique monétaire à elle seule étant incapable de sortir la croissance de l’ornière dans laquelle elle s’est enlisée. Le Fonds monétaire international, l’OCDE, la majorité des pays européens et le nouveau président de la Commission sont sur la même longueur d’onde.
« Il s’agit de modifier le policy mix européen : une politique de l’offre au niveau national, une politique de la demande au niveau européen », dit-on au sein du gouvernement français. En clair, des pays qui, comme l’Allemagne, sont en excédent budgétaire, devraient faire plus pour soutenir la demande afin que leurs partenaires puissent mener des réformes structurelles. La décision, lundi, des ministres de l’économie allemand, le social-démocrate Sigmar Gabriel, et français, Emmanuel Macron, de demander à deux économistes d’élaborer des propositions pour stimuler la croissance dans les deux pays, notamment par une relance des investissements, va en ce sens. « Nous ne voulons pas d’une épreuve de force qui n’aurait aucun sens, mais faire comprendre à nos partenaires que nous faisons des efforts, mais que seuls, nous ne pouvons aller au-delà de ce que nous avons fait ».
Car Paris estime être en ordre : « 21 milliards d’économies programmées en 2015, un effort structurel de 0,25 % et non de 0,1 % comme l’affirment certains fonctionnaires européens, et ce malgré la faible inflation ». On ajoute que le changement des méthodes comptables décidé par Eurostat oblige à comptabiliser les crédits d’impôts comme dépenses publiques, ce qui alourdit le déficit… « On a maintenu le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) malgré les pressions de la gauche du PS, et le pacte de responsabilité n’a pas encore produit ses effets. Et, en dépit des pressions, on n’a pas augmenté les impôts. On peut difficilement aller au-delà ».
Un discours qui ne convainc pas Bruxelles : « il faut nous aider à vous aider », lance un haut fonctionnaire européen. « C’est moins la Commission qu’il faut convaincre que les gouvernements de la zone euro ». En particulier, le fait que le déficit 2015 soit au même niveau qu’en 2013, alors que la France n’est pas en récession, reste en travers de la gorge de l’exécutif européen : « ce n’est le cas dans aucun autre pays ! Ça, c’est la ligne rouge ». Si on admet que Paris ne peut pas modifier son budget avant de le transmettre à Bruxelles, « elle peut faire des annonces précises d’ici la fin du mois, notamment en annonçant des réformes structurelles ». C’est bien pour cela qu’Emmanuel Macron a annoncé mercredi les grands chapitres de sa loi de croissance destinée à libéraliser l’économie française (professions protégées, transports, urbanisme commercial, marché du travail, etc.). De ce point de vue, la proposition de Dijsselbloem d’accorder des délais supplémentaires dans la consolidation des finances publiques et des aides européennes aux pays menant des réformes structurelles pourrait offrir une porte de sortie honorable à Paris et à ses partenaires, personne n’ayant intérêt à déclencher une crise européenne alors que les marchés sont calmes. Trop calmes ?