À Bruxelles, on ne comprend pas la stratégie suivie par François Hollande. « Il semblerait qu’il y ait deux lignes », tente de décrypter un haut fonctionnaire de la Commission : « Celle de Michel Sapin, le ministre des Finances, qui juge que la France a fait assez d’efforts et qu’il est temps d’aller à l’affrontement avec l’austéritaire Allemagne, la plupart des pays européens ainsi que la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire internationale ou encore l’OCDE estimant qu’il faut faire de la relance. De l’autre, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, et Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire général de l’Élysée, qui veulent que la France fasse davantage ».
La Commission redoute plus que tout un choc frontal Paris-Berlin qui menacerait la stabilité de la zone euro. D’où les messages que l’équipe du président élu de la Commission, Jean-Claude Juncker, fait passer via les médias : « Michel Sapin est dans le déni total. On veut qu’il comprenne que son budget est indéfendable s’il nous est transmis en l’état le 15 octobre ». La menace est donc claire : si rien n’est fait, Bruxelles pourrait demander une modification du budget, comme l’y autorisent les textes renforçant la gouvernance budgétaire européenne, textes, rappelle-t-on, demandés et votés par la France. Avec, en ligne de mire, de possibles sanctions financières (d’un maximum de 0,2 % du PIB, soit 4 milliards d’euros). « On ne veut même pas y penser », confie un diplomate : « ce serait du pain bénit pour le FN ».
Bruxelles veut que Paris fasse un effort sur la réduction du déficit structurel (c’est-à-dire corrigé des variations d’une conjoncture dégradée, NDLR) : « dans le projet de budget, il ne baisse que de 0,2 % du PIB, plus vraisemblablement de 0,1% », explique consterné un haut fonctionnaire. « Après l’effort de 1,2% en 2012 et de 1,3% en 2013, c’est clairement un coup d’arrêt, alors que la France s’était engagée, en juin dernier, à un effort structurel minimal de 0,8 %. Paris doit nous donner du grain à moudre : il faut au moins s’approcher des 0,5% prévu pour les pays en déficit excessif, soit 4 milliards d’euros d’économies en plus des 21 milliards prévus ». Ce qui permettrait d’afficher un déficit public inférieur au 4,3 % annoncé… Emmanuel Macron, de son côté, serait en train de préparer un paquet de réformes structurelles qui montrerait à la zone euro que la France fait ses devoirs pour remettre son économie sur pieds et qu’elle a besoin de souplesse budgétaire.
Bruxelles espère que son haka, cette danse néo-zélandaise destinée à faire peur à l’adversaire, sera suffisant : José Manuel Durao Barroso ne veut pas finir son mandat de président de la Commission sur un affrontement avec Paris et Juncker commencer le sien par une guerre des tranchées.