Brèves de Blog : politique et économie du Nucléaire
Vous avez vu que dans l’accord entre EDF et le gouvernement Britannique pour relancer le nucléaire en Grande Bretagne, Areva avait réussi à trouver sa place pour deux réacteurs EPR en prenant une participation dans la société de gestion. Voila qui va rapprocher Areva de son objectif de « placer » 2 EPR par an tous les ans d’içi à 2016 dans le monde.C’est heureux car dans d’autres projets très avancés dans lesquels Areva semblait être le favori de la compétition, ça ne se passe malheureusement pas aussi bien que la société ne l’espérait. Le projet jordanien pour construire sa première centrale électrique nucléaire avec un monoréacteur de 1000 MW type Atméa, vient de lui échapper au profit…de deux entreprises russes, l’une filiale de Rosatom pour construire la centrale et l’autre pour l’exploiter une fois construite.
Du coté de la construction de la centrale EPR d’Oikiluoto en Finlande, les choses ne s’arrangent pas beaucoup.Le consortium ArévaSiemens qui en poursuit la construction est toujours en bisbille avec son client finlandais TVO pour les retards accumulés en particulier dans la période 2008/2011.
Les rapports entre les deux parties sont parait il « apaisés » en ce qui concerne la poursuite des travaux. Par contre, pour le règlement des litiges de la période 2008/11, on en est définitivement dans une phase judiciaire. Areva et Siemens viennent d’augmenter le montant des surcoûts réclamés à TVO du fait des lenteurs administratives excessives de ce dernier durant sa construction. C’est désormais 2,6 milliards d’euros au lieu de 1,9 que les deux sociétés réclament à TVO devant le tribunal arbitral de la Chambre de Commerce de Parisqui a été saisi du dossier fin 2008. TVO de son coté réclame 1,8 milliards au consortium car il estime que dans le cas d’un contrat clefs en mains, c’est le constructeur qui assume la responsabilité des retards et des surcoûts que ces retards entrainent.
La justice tranchera mais Areva a déjà provisionné 3,35 milliards d’euros ce qui rend l’affaire désastreuse dans tous les cas. Le contribuable appréciera…
Les retards et les surcoûts observés dans la construction des deux EPR de Oikiluoto et de Flamanville sont attribués par Areva et EDF à ce qu’ils appellent l’effet « tête de série », c’est à dire le fait que ce soit le premier exemplaire construit de ce modèle. La construction de celui de Taishan en Chine, qui est venu après ceux de Flamanville et d’Oikiluoto tout en devant étre apparemment terminé avant, a montré une économie de 60pct sur les prestations d’ingénièrie et une durée de construction réduite de moitié par rapport au réacteur finlandais.Par contre, il existe une contrepartie à cet effet tête de série qui est le coût des adaptations aux normes locales et aux dema,des spécifiques
L’accord entre EDF et le gouvernement britannique suscite un surcroit d’intérêt popur ce marché chez les concurrents d’Areva qui a l’avantage de disposer avec l’EPR du seul réacteur certifié par l’Autorité de Sureté britannique. La Grande Bretagne en effet a prévu de développer 16 GW de capacité nucléaire nouvelle, les new build, à l’horizon 2030. Il est donc urgent pour la concurrence de faire également certifier son réacteur par la dite Autorité de Sureté si l’on veut exister sur ce marché.
Or à la suite de la décision allemande d’arréter le nucléaire, les électriciens allemands E.On et RWE qui s’étaient engagés sous le nom de Projet Horizon, sur les sites de Wylfa et de Oldbury, s’en sont retirés. Hitachi Général Electric ont immédiatement pris leur place! Quant àToshiba, le propriétaire de Westinghouse, il a initié des discussions avec Iberdrola et GDF Suez pour remplacer le premier dans le projet Nugen, une coentreprise GDF Suez /Areva pour construire une centrale de 3,5 GW au Nord ouest de l’Angleterre, à la grande fureur d’Areva.Enfin, Rosatom le russe a signé un accord avec Rolls Royce et le finlandais Fortum pour étudier la possibilité de « placer » son réacteur VVER en Grande Bretagne
Bref la concurrence pour les centrales suivantes risque de devenir sanglante!
En plus des deux réacteurs de Hinkley Point, EDF est également candidat à la construction de2 autres réacteurs sur le site de Sizewell sur la cote est de la Grande Bretagne, dans le Suffolk.EDF s’est engagé, si elle arrivait à obtenir également ce marché, à baisser le prix de reprise de l’électricité des réacteurs de Hinckley Point de 3 livres par Kwh à 89,5 Livres le Kwh au lieu de 92,5 livres.
La catastrophe de Fukushima
a stérilisé les nombreux projets de construction de centrales nucléaires qui existaient dans le monde auparavant. Autre effet de cette catastrophe, le cours de l’Uranium spot s’est écroulé depuis sans vraiment montrer de signes de reprise depuis.
Il a touché un plus bas mi 2013 à 55 dollars la livre soit une baisse de 30 pct sur un an. Les cours à long terme (85 pct des volumes) qui sont ceux qui comptent pour les gros contrats, sont par contre en baisse moins marquée à 10/15 pct sur un an.
Ces variations de cours ne sont pas susceptibles néanmoins d’arrêter de gros projet d’exploitation de nouveaux gisements dont la rentabilité est calculée sur le long terme et donc sur les estimations de demande en uranium sur 30 à 50 ans.
C’est ainsi que le canadien Cameco (3ème producteur mondial) associé avec le français Areva (2ème mondial) poursuivent les travaux de mise en exploitation de la mine de Cigar Lakedans le Saskatchewan pour lequel Cameco a obtenu la licence d’exploitation mi 2013 de l’Autorité de Sureté Nucléaire Canadienne.
La particularité de ce gisement est d’être à très haute teneur en Uranium, 20 pct, soit cent fois plus que la teneur moyenne des mines existantes. Par contre il nécessitera des techniques d’exploitation inhabituelles du fait de la profondeur de la mine, – 450 mètres, qui sera exploitée en congelant la roche avant d’y creuser les galeries d’extraction, puis en extrayant le minerai d’uranium par un jet d’eau à haute pression qui transforme la roche en boue à forte teneur en Uranium aussitot pompée . Autre difficulté importante, la teneur élevée en uranium qui nécessite une radioprotection particulièrement complexe des travailleurs.
La mine de Cigar Lake est prévue fournir en 2017, 7000 tonnes d’uranium tous les ans soit 10pct de la production mondiale !
Autre décision importante d’autorisation d’exploitation de ressources minières en Uranium, celle prise par le Parlement de la province autonome du Groenland d’autoriser l’exploitation de l’Uranium sur son territoire en même temps que celles des terres rares qui vont en général avec. Le Groenland n’a que 57 000 habitants qui vivent, parait il, sur les deuxième réserves mondiales de terres rares et les cinquièmes en uranium.
Ce sont en fait les terres rares, dont les produits électroniques et informatiques modernes sont très friands, qui sont les minerais qui ont conduit le Groenland à donner l’autorisation d’exploiter aussi l’uranium qui leur est indissolublement lié, alors que ses habitants y étaient majoritairement opposés.
Reste maintenant à obtenir l’accord final du parlement danois dont le Groenland n’est qu’une province autonome. Ce ne devrait être qu’une formalité car le Danemark apprécierait surement de voir le fardeau de l’aide à l’équilibre du budget du Groenland, -450 millions d’euros annuels – , s’alléger quelque peu.
L’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques, Opecst, qui est piloté par le sénateur UMP Bruno Sido et le député PS Jean-Yves Le Déaut, vient de publier un rapport prenant le contre pied du choix de notre Président de fermer la centrale Nucléaire de Fessenheim pour ramener la part d’électricité d’origine nucléaire produite en France de 75 à 50 pct d’içi 2025.
Le dit rapport constate qu’une telle fermeture correspondrait à effacer un jour de consommation d’électricité par semaine et que la mise en oeuvre d’une telle décision provoquerait un « choc énergétique » si en même temps, la « baisse de la consommation énergétique n’était pas au rendez vous » et que « les énergies vertes continuaient à être aussi couteuses ».
Malheureusement, ces deux conditions préalables posées par les auteurs du rapport ont un haut niveau de probabilité de se produire. Si c’était bien le cas, la conséquence en serait une réduction de la croissance, déjà pas brillante, et la pression sur les prix (l’inflation?). Le rapport termine en concluant que pour descendre de 75 à 50 pct de production d’électricité nucléaire, une « trajectoire raisonnée » devrait s’étaler sur un siècle !
Autre ennemi de la fermeture de Fessenheim, la CGT dont les représentants ont quitté lé Conseil d’Administration de EDF pour protester contre la mise à l’ordre du jour de ce sujet. Ils ont rappelé dans un communiqué que l’Autorité de Sureté Nucléaire venait d’autoriser la prolongation de son exploitation pour Dix ans supplémentaires et que seul EDF ou l’ASN pouvait décider de la fermeture. Rappelons également qu’il y a des actionnaires autres qu’EDF dans cette centrale, des électriciens allemand et suisse qui ont aussi leur mot à dire.
Oui mais, connaissant ces obstacles d’ordre juridique, le gouvernement a prévu dans une future loi d’orientation énergétique de se donner le pouvoir de spolier les propriétaires de la Centrale.Elle ne devrait pas néanmoins être votée avant le second semestre 2014.