C’est quand même très étonnant cette brutale émergence de la crise des éleveurs, alors que il y a seulement 8 jours, en pleine crise grecque, rien de laissait penser que nos agriculteurs allaient subitement envahir les routes.
Or quand on les écoute et que l’on lit les articles de presse sur la crise de cette profession, on comprend vite que c’est très sérieux, que ces gens là, en grand nombre, sont au bord de la faillite, en pleine détresse, et que ce n’est pas le commentaire souriant et ignorant de notre Président qui va le résoudre. En ce qui le concerne, on conçoit qu’avec le temps qu’il a passé sur la crise grecque, il n’a pas du avoir le temps de suivre de près les tenants et aboutissant de cette autre crise. Mais derrière lui, il y a un gouvernement qui, au contraire, avait de ce fait un peu de temps libre, un Premier Ministre, un Ministre de l’Agriculture et une foule de haut fonctionnaires qui en principe doivent s’en occuper. Et ce n’est pas l’agriculture grecque qui devait perturber leurs activités.
En une demi journée, je pense avoir compris, à seulement regarder les émissions sur le sujet, que le problème est un problème de competitivité globale de toute cette filière depuis des années par rapport aux autres agricultures et en particulier l’allemande ou l’espagnole. Et, comme d’habitude, nous sommes mal partis,ce n’est pas un problème de la grande distribution écrasant les agriculteurs ou des abatteurs ne répercutant pas telle ou telle augmentation de prix accordée dans une précédente négociation tripartite gouvernementale, mais un problème de manque de compétitivité globale de toute cette filière par rapport aux agricultures allemandes, espagnoles ou des pays de l’est, compliqué par les conséquences de la fermeture à l’exportation des marchés russes ou grecs, ou à l’introduction de nouvelles normes franco-française sur le bien être des animauxdont personne ne semble avoir mesuré l’impact dans la chaine des coûts de production
Nos amis allemand ont pris le problème agricole de la même manière qu’ils avaient pris le problème de la compétitivité de leur industrie du temps de Schröder. Pour mener le marché et pouvoir répondre à la pression sur les prix qui s’exerce sur la viande et le lait,il faut donner la priorité à la taille des installations et aux coûts de production tout au long de la chaine. D’où la ferme à milles vaches dont nous ne voulons pas, le stabulation à demeure dans les gigantesques hangars qui abritent les animaux et l’absence de stabulation extérieures qui, nous disent ils, font baisser la production.
Ils ont aussi trouvé une filière discrête pour financer indirectement les exploitations en les subventionnant, sous le pretexte de transition énergétique, pour installer des usines à biomasse ou tout autre méthode qui permette à ces fermes gigantesques de disposer d’énergie à bon marché.Et ils ont adopté les équipements les plus sophistiqués pour automatiser autant que faire se peut les taches de l’exploitant, et ce sans devoir attendre les 5 ans qui sont necessaires en France pour franchir le moindre obstacle administratif.
Au cran juste au dessus, celui des industries de transformation des carcasses en viande à consommer, les abatteurs et transformateurs, ils ont aussi diminué les coûts de production à grand coup d’automatisation et en utilisant la main d’oeuvre pas chère qui n’attend que ça pour venir travailler en Allemagne, polonais, tchèques, bulgares ou hongrois.Est ce dans la respect des rêgles européennes, je ne sais, mais si c’est le cas pourquoi ne faisons nous pas de même?
C’est malheureusement avec des yeux d’industriel qu’il faut étudier l’ensemble de la filière, de ses processus , de ses handicaps et la rendre compétitive à grand coup d’ingenieurie et d’investissements car si vous comparez les installations respectives et la capacité de production de ces usines par rapport aux notres, vous comprendrez que nous sommes mal parti dans ce processus d’adaptation de la productivité de cette industrie aux normes internationales.
Qu’ont fait les pouvoirs publics, de droite comme de gauche, depuis des années dans cette lutte compétitive? Pas grand chose si ce n’est donner des subventions régulièrement quand la température monte ( dont le Cour des Comptes d’ailleurs critique l’efficacité), comme Monsieur Le Foll va sans doute la faire demain, là où il faudrait un Ministre qui ait une vision d’industriel de cette filière si on ne veut pas qu’elle disparaisse.Je ne suis pas sur que Monsieur Le Foll ait une telle vision, lui qui a passé beaucoup plus de temps dans les bureaux du parti à préparer les prochaines campagnes électorales que dans une industrie quelconque
Mme Royal, l’industrieuse, s’est prononcé également immédiatement contre la grande distribution en nous offrant la solution des circuits courts. Oui, madame, mais les français préfèrent faire toutes leurs courses dans les grandes surfaces, et pour mettre en place un circuit court, il faut du temps, de la main d’oeuvre et des investissements, non?
Attendons de voir ce que notre Ministre et notre Gouvernement vont proposer. Je crains que ce ne soit qu’un coup d’épée dans l’eau de plus.