Il y a cent dix ans, le président de la République, Emile Loubet, proclamait la nouvelle loi sur les fondements de la laïcité et son titre 2 notamment : “La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte”.
Ce principe représentait une véritable révolution dans une France où l’influence de l’Église catholique sur la vie politique était très prégnante. Mais année après année, gouvernement après gouvernement, le discours laïque est devenu incohérent…
Le bénéfice de la loi de 1905, votée suite à un rapport de Jean Jaurès, est d’avoir ouvert une période de pacification entre la République et les Eglises, en veillant, comme disait Jules Ferry, à ce que «la République s’arrête au seuil des consciences».
Mais les questions de laïcité se posent aujourd’hui en des termes différents qu’il y a plus d’un siècle. Il s’agit de faire vivre ensemble, dans une même société ouverte au monde, plusieurs religions, et – on l’oublie souvent – de garantir le droit fondamental de critiquer les religions, de croire ou de ne pas croire.
Une laïcité moderne, c’est avant tout une clarté dans le langage. C’est aussi la réaffirmation qu’il n’est pas dans notre tradition républicaine que des dirigeants politiques fassent étalage de leurs convictions religieuses ou se fassent les promoteurs de cultes en se rendant par exemple régulièrement à des réunions ou conférences organisées par les différentes religions.
On ne peut que regretter par exemple que Marion Maréchal Le Pen ou Christian Estrosi se prononcent pour la présence de crèches dans des lieux publics comme les mairies ou que la Ministre de l’Education Nationale, Najat Vallaud-Belkacem, autorise le port du voile pour les mères accompagnatrices d’enfants lors de sorties scolaires.
Discours laïque d’un côté et pratiques communautaristes de l’autre : le petit jeu qui consiste à légitimer des personnes ou des groupes religieux est un jeu dangereux. Plutôt que segmenter les questions, il serait préférable de procéder au vote d’une loi d’ensemble sur la laïcité, distinguant dans ses différents articles le cas de l’école, de l’hôpital, de l’entreprise, etc.
Car si le droit est aujourd’hui précis pour les agents des trois fonctions publiques, qui doivent respecter une stricte neutralité religieuse, il l’est moins pour les usagers des services publics ou pour l’utilisation que l’on peut faire de ces services.
Le problème essentiel du financement public
Mais au-delà du rappel de ces quelques formules de base concernant une laïcité claire pour tous, se pose le problème du financement par l’argent public des religions, de leurs activités, œuvres, écoles et enseignements.
Une étude détaillée des fonds publics au profit des religions révèle que des sommes très importantes sont détournées chaque année au mépris des lois laïques.
Le gouvernement verse ainsi au titre des lois Debré-Guermeur-Rocard, en remboursement des salaires des maîtres de l’enseignement privé, la somme de 7 milliards d’euros ! Cette somme détournée de sa mission d’origine, l’Ecole de la République, représente l’équivalent de 200 000 postes d’enseignants (charges comprises).
Sans compter le crédit d’impôt qui est un coût pour l’Etat. Or cette déduction fiscale est transférée intégralement aux différentes religions. Comment ne pas appeler un tel avantage une aide financière de l’Etat aux églises et donc une subvention sous une forme indirecte. On trouve ainsi des centaines d’associations cultuelles catholiques, protestantes, musulmanes et juives qui reçoivent des dons déductibles à hauteur de 66% de l’impôt sur le revenu des donateurs. Il semble difficile d’admettre que cet avantage soit conforme à l’article 19 de la loi de 1905…
De plus, en Alsace-lorraine, le maintien du statut clérical d’exception favorise outrageusement les cultes «reconnus» : catholicisme, luthérianisme, calvinisme, et judaïsme. Plusieurs milliers de religieux sont payés à des indices de la fonction publique, ce qui représente un détournement de près de 40 millions d’euros pour financer les religions.
Parallèlement aux financements publics de l’Etat s’ajoutent des financements importants de lapart de collectivités territoriales. Des maires, des présidents de conseils généraux ou régionaux sont souvent amenés à subventionner une ou plusieurs religions dans le cadre de leur mandat.
Des sommes colossales sont ainsi versées à des collèges privés pour leur fonctionnement, à des associations catholiques pour la réfection de cloches et de lieux de culte ou pour des travaux d’entretien et de conservation d’édifices privés (Notre-Dame de la Garde à Marseille notamment pour près de 7 millions d’euros de fonds publics…), à des organismes de gestion et d’associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique (OGEC, APEL), à des crèches Loubavitch, etc.
Il faudrait encore y ajouter, en application de l’article 89 de la loi de décentralisation du 13 août 2004, le financement imposé à toutes les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées hors territoire communal, estimées à 300 millions € .
Le financement à un niveau aussi élevé des religions, au premier rang desquelles figure la religion catholique, est un véritable danger pour la République. Ce terrain est d’autant plus glissant que l’émergence de l’islam comme deuxième religion en France bouleverse les équilibres construits avec la loi de 1905.
A droite, le président des républicains, Nicolas Sarkozy, a souhaité ouvrir le débat sur une éventuelle révision de la loi de 1905, pour que l’Etat puisse participer au financement de la construction de mosquées et apporter une réponse au problème du manque de lieux de culte.
A gauche, les partisans d’un financement public des religions existent aussi. C’est ainsi que le 1er ministre Manuel Valls, est partisan d’une modification de la loi de 1905 pour permettre un financement public de tous les lieux de culte musulman.
La loi du 9 décembre 1905 prévoyait qu’à partir du 1er janvier suivant la promulgation de la loi, seraient supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Aujourd’hui, seuls quelques élus courageux, maires en général, continuent le combat laïque et refusent toute subvention pour ne pas augmenter une fiscalité locale, déjà très lourde et injuste car non progressive comme l’impôt sur le revenu. On est loin de l’objectif de la loi de 1905, l’Etat étant le premier à bafouer le principe de laïcité…